Drôle d’objet hétéroclite, bizarre un peu comme un Lynch style Eraser Head ou Inland Empire, absurde parfois comme le théâtre de Ionesco ou Beckett ou les récits de Kafka, beau à certains endroits comme Les amours d’une blonde de Forman, touchant au début comme le néo-réalisme italien : mélange improbable, mettant du temps à prendre forme, avant de se livrer.
La dédramatisation totale (= l’absence d’action, d’évènements), osée pour l’époque, nous prend d’abord au dépourvu, nous égare, faisant croire à un scénario négligé avant que tout se dévoile. Film de l’attente, du temps vide et inhabité, avec ses personnages eux aussi vides, inhabités, fantomatiques, spectres errant sans le savoir comment dans un monde qu’ils méconnaissent et qui les contrôlent subtilement, personnages dont les émotions sont tues ou somnolent au fond d’eux ou bien personnages sans émotions qui leur appartiennent vraiment, guidés qu’ils sont par des buts extérieurs à leur volonté bien qu’ils soient persuadés du contraire, L’emploi crée en nous des attentes qu’il ne comblera jamais, à l’image de ses personnages attendant que quelque chose arrive alors que rien n’arrive et que tout n’est qu’illusion (obtenir une promotion, se marier/avoir une femme/la promesse de l’amour et du bonheur).
Film désenchanté aussi, malgré le timide mais inamovible sourire du protagoniste, plein d’espoir mais où règne finalement la désillusion, l’attente vaine, le devoir absurde, l’absence de volonté propre, l’aliénation de soi.
D’une austérité rappelant L’arbre aux sabots et d’une lenteur assez soporifique, il se reprend néanmoins avec cette fin plutôt enjouée.
Un étrange amalgame au discours pas toujours clair.