L'Enfance d'Ivan par Northevil
Dès son premier long-métrage, Tarkovski nous livre un film grandiose, très particulier et plein de talent. Il nous offre un mélange des genres extraordinaires, à la fois un film de guerre, sur l'enfance, l'enfance perdue, l'enfance retrouvée, mais aussi un film sur l'amour, la jalousie, un film surréaliste, de contemplation...
Tout d'abord un film de guerre, parce que nous sommes en pleine seconde guerre mondiale, mais cette fois-ci (et c'est si rare), nous le voyons du côté des russes. C'est un très beau film de guerre avec des plans de bombardements et les scènes presque finales qui sont superbes.
Ensuite un film sur l'enfance, l'enfance perdue et l'enfance retrouvée, perdue car dès le début nous voyons Ivan perdre sa mère et on se retrouve tout de suite seuls avec lui, en plein bourbier (au sens littéral) à la recherche du camp russe. Tout au long du film, les scènes d'Ivan sont un mélange de tristesse et de colère, de mélancolie et de hargne, mais aussi de tendresse (la scène des pommes dans le camion par exemple). Nous vivons son parcours de vengeance contre ces allemands qui lui ont fait perdre son enfance, et c'est tellement beau et déchirant à la fois. Et enfance retrouvée car (que ce soit en rêve ou dans des souvenirs), nous avons droit à des moments de pure innocence enfantine avec les pommes ou sur la plages, et c'est beau.
C'est aussi un film sur l'amour (Macha et ses prétendants, qui donne une touche de charme dans ce film, mais aussi de malaise il faut l'avouer, le malaise de Macha face à ce supérieur un peu trop insistant) et la jalousie (quand ce fameux supérieur se sent menacé par cet ami "à lunettes"). Mais aussi l'amour d'une mère pour son fils, l'amour perdu certes, mais toujours un peu présent dans le coeur de cet enfant, on voit aussi l'amour naissant des enfants, à travers les différentes scènes d'Ivan avec la jeune fille, dans ses rêves ou ses souvenirs. On peut aussi penser, aussi triste que ce soit, à l'amour de la vengeance, qu'Ivan cultive jusqu'au bout.
Nous avons aussi un film un peu surréaliste, en particulier avec la séquence dans le bunker où Ivan revoit tous ces gens qui demandent la vengeance (jeu de lumière et de son très surréalistes qui désorientent le spectateur), puis la scène des pommes dans le camion (jeu de négatif, le noir et blanc interversé et le travelling sur les enfants avec le paysage en fond). Ce côté surréaliste est visible tout le long du film, nous transportant d'un endroit à un autre sans jamais vraiment comprendre où l'on est, Tarkovski arrive parfaitement à nous perdre, je me suis même demandé au moment où Ivan se prépare à sa mission si ça ne serait pas avant le début du film lorsqu'on le recueillait.
Film de contemplation enfin pour tous ces paysages sublimés par la caméra de Tarkovski, cette forêt, cette plage qui s'étendent à l'infini, ces marécages qui s'étendent à perte de vue, tout cela aussi renforce le sentiment de se perdre dans ce film et cette histoire. Ainsi que les répétitions qui poursuivent le film (la cigarette que l'on voit plusieurs fois en gros plan, la croix de la même manière, tous ces arbres dans la forêt aussi bien que dans les marécages). Et n'oublions pas ce sublime noir et blanc parfaitement maîtrisé, vraiment magnifique.
Et pour finir, je voudrais parler des plans séquences, ce procédé dont je faisait l'éloge avec Barberousse, je peux aussi bien en faire l'éloge ici. Qu'est-ce qu'ils sont bien maîtrisés, comme dans cette séquence de flirt dans la forêt (encore elle) que l'on voit passer en travelling magnifiquement, posée de la plus belle des manières.
J'ai donc adoré ce film, preuve dès son premier long que Tarkovski avait déjà tout compris, et j'attends avec impatience de voir ses autres films qui vont, je suis sur, m'enchanter.