L'enfant sauvage se pose tant à la croisée de questionnements anthropologiques et psychologiques, que cliniques et moraux. Le film, de par sa nature, est presque une démonstration, un cas expérimental de l'étude de l'Homme et de sa nature, de ses apprentissages, de ses codes sociaux qu'ils soient symboliques ou physiques, et de leur maîtrise pour atteindre le stade de normalité et non pas être relégué à l'état pathologique. Car, dans cette société décrite (et vécue par le spectateur, malgré l'écart temporelle entre nous et la situation montrée), l'état de nature n'est pas compatible avec celui de culture, si cher à l'homme pour l'homme et dont il aime user pour se démarquer du premier.
L'enfant sauvage permet de mettre en scène un enfant au développement déjà bien entamé et constitué dans une direction, rentrer en collision avec une société qui a défaut d'être totalement immuable garde cependant une certaine force d'inertie et un certain pouvoir de coercition sur le devenir humain, et des humains qui y rentrent comme on rentrerait dans un territoire (et souvent par notre naissance même). Ainsi, et bien que ce fait soit sensé dater de la fin du 18ième siècle, la similitudes des processus dépeints font fortement échos à ceux de notre société moderne, et met à bas le grand mythe de la liberté. Celle de se constituer librement sois-même en dehors de toute forme de contrainte et de freins moraux. On rend au social sa place et son emprise, qui bien qu'évident, à disparu dans les discours pour laisser place à un idéal libertarien pourtant irréalisé.