Water Cluzet
Dans son "Huis clos" Jean-Paul Sartre nous disait que "L'enfer c'est les autres". Chez Claude Chabrol, ici, c'est un peu le cas. Voici Paul. Paul a des crises d'angoisses qui lui font perdre ses...
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le 3 mai 2013
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La première partie du film s’attache à nous immiscer dans le quotidien tranquille d’un couple. La mise en scène, d’une douce sobriété, accentue la quiétude dans laquelle baigne ce couple interprété par un François Cluzet très convaincant et une Emmanuelle Béart solaire, un brin candide et filmée avec sensualité. Le film, d’une vive clarté, laisse pourtant entrevoir très rapidement l’obsession qui défilera sous nos yeux impuissants et qui bouleversera l’idylle quasi bucolique du couple. Paul est jaloux, maladivement jaloux au point de perdre la raison. Si Nelly préfère d’abord en rigoler, elle finit par faire des efforts pour lui prouver sa sincérité au point de mettre sa liberté de côté : la pluie succède au beau temps, le couple prend l’eau jusqu’à se déchirer.
Chabrol conte ainsi avec intelligence la descente aux enfers, non seulement d’un homme jaloux mais aussi d’une femme, victime de la folie possessive et délirante d’un mari tyrannique. La magie du montage lui permet de nous inviter dans la conscience (ou plutôt l’inconscience!) de Paul qui nous est montré tel un révisionniste : à défaut de savoir, à défaut de voir sa femme avec un autre, il fantasme ses infidélités avec les premiers venus . Les images qu’il a alors en tête accélèrent sa chute. Cauchemar et relisent s’entrechoquent : la folie menace puis s’impose. Là où Chabrol est très fort c’est qu’il réussit à nous faire douter, on ne sait plus vraiment si Nelly dit vrai, il nous trouble à force de répétitions ingénieuses. Comme elle, nous sommes matraqués par les accusations et les théories fantasques d’un mari oppressant.
Seul bémol : l’utilisation facile et répétitive de la voix-off. Le film aurait gagné en silences. A vouloir trop dire, Chabrol nous donne la main, nous mâche le travail. Il force son personnage à la confidence un peu trop souvent. Ses tiraillements et ses delires auraient été tout aussi palpables sans le recourt à cette voix-off censée être sa voix intérieure, celle avec laquelle il échange quand il est seul. Un détail qui trouble l’effet de réalisme et qui n’apporte franchement rien, si ce n’est du ridicule au personnage de Paul...
Quoi qu’il en soit, ce film jouit d’une mise en scène sobre, ponctuée de quelques fulgurances où elle s’avère plus travaillée, notamment durant cette séquence où Paul fantasme les infidélités de sa femme en même temps qu’est diffusé un film. Les spectateurs rient du film mais les rires se superposent au film que se fait Paul. Une superposition intéressante qui met en avant la solitude du personnage. Seul dans ses délires pendant que les autres s’amusent.
Enfin, bien avant que la folie n’occupe les préoccupations esthétiques de Chabrol, c’est la sensualité qui dicte les choix du réalisateur, nous offrant une Emmanuelle Béart d’une beauté renversante et un Marc L’avoine aux accent d’éphèbe. La sensualité avant la folie, le désir avant ce qui ressemble à la mort... celle d’un bonheur, d’un couple mais qui sait ? N’ayant pas de fin, le film s’achève sans nous donner de réponse : à chacun sa conclusion. La mienne est claire : ce film est une réussite qui exploite intelligemment les affres de la folie ! A voir !
Créée
le 3 juin 2020
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