Avec ses 5 bobines "L'Enfer" est le premier film italien pouvant prétendre au statut de long-métrage, sorti en 1911 après plusieurs années de réalisation. Il est intéressant à deux titres au moins, d'abord pour la curiosité historique qui permet de plonger aux sources du cinéma, à une époque où sa définition n'était manifestement pas très claire et reposant sur très peu d'antécédents, et ensuite pour les différents tableaux proposés pour illustrer en l'adaptant "La Divine Comédie" de Dante. À ce titre, il serait probablement plus judicieux de parler d'une série de tableaux à visée cinématographique plutôt que de film à proprement parler, étant donné que Francesco Bertolini, Adolfo Padovan et Giuseppe De Liguoro construisent leur œuvre comme une série d'une cinquantaine de scènes, toutes annoncées très scolairement par un encart décrivant le contenu, et reposant sur des illustrations de Gustave Doré (un mini-documentaire présente même les comparaisons entre photogrammes du film et illustrations de Doré). Le format est un peu austère, pas très bien huilé, les séquences s'enchainent de manière très mécanique, ce qui donne la sensation de contempler un artéfact du pré-cinéma dans le sillage des travaux de Méliès. Chose étonnante, un court-métrage italien homonyme sur le même thème est sorti la même année (réalisé par Giuseppe Berardi et Arturo Busnengo).
On peut apprécier les efforts derrière ce film doté d'une grande ambition littéraire (probablement à l'époque pour faire évoluer le cinéma vers autre chose que du simple divertissement), mais cela demande clairement une bonne dose de recul et peut-être de second degré devant le recours à des effets spéciaux très hasardeux, avec des comédiens maladroits qui ne semblent pas toujours maîtriser leur partition. Virgile guide donc Dante à travers les Neuf Cercles de l'Enfer, et le paysage sera constellé d'âmes errantes en enfer, de monstres divers, diablotins, harpies, serpents, et de personnages issus du mythe (Homère, Ovide, etc.). Les séquences en "flashback" sont les plus ratées, en proposant des pauses dans des décors en carton plus visible que les décors fantastiques remplis de figurants. Il y a un petit effet catalogue dans l'énumération des chapitres, mais le côté artisanal de l'entreprise lui confère un certain charme suranné.