A partir de 1910 commence à apparaître les longs-métrages. L’Inferno est l’un d’entre eux. Il est le premier film italien et la première production européenne d’envergure. On peut être admiratif devant le résultat sachant que le cinéma italien n’a commencé qu’en 1905, c'est-à-dire 10 ans après les premières réalisations de films (1895).
Le thème choisi puise au patrimoine culturel de l’Italie et il est universellement connu : La Divine Comédie de Dante. Ce blockbuster avant l’heure, retient de cette œuvre littéraire uniquement la première partie consacrée à l’Enfer.
L’Inferno est constitué de 54 tableaux séparés par des intertitres détaillés expliquant ce qui suit, aidant ainsi ceux qui ne connaissent pas le texte de Dante à comprendre ce qui se déroule sous leurs yeux.
Les italiens ont eu vite fait de rattraper leur retard… Ils utilisent ici de nombreux « trucs » inventés par Méliès : arrêt de caméra, incrustation d’images ou de personnages sur fond noir, disparité de taille, surimpression. L’aspect visuel avec des décors en carton pâte s’inspire également clairement de Méliès sans pouvoir l’égaler. Celui-ci réalisait lui-même ses décors nés de son imagination et il avait un don unique et inimitable. Malgré tout, le résultat est honnête. Contrairement à Méliès qui tournait tout dans son studio de Montreuil, ce film comporte des scènes en extérieur, invitant ainsi le surréalisme du sujet dans des paysages qui nous sont familiers.
Les divers tableaux successifs nous plongent dans les cercles infernaux dont l’esthétique s’inspire des gravures de Doré, et font aussi penser à Boticelli. Le résultat est saisissant. Les corps torturés exposent leur nudité : ils gisent à terre, sortent des tombes, sont plongés dans des eaux marécageuses ou sont pêchés des eaux à la fourche par les démons. Les pluies éternelles s’abattent sur eux, ou bien des boules de feu. Les vapeurs de souffre émanent des paysages et les lieux traversés : roches, broussailles arides, eau saumâtre, fosses pleines de reptiles.
Les créatures les plus bizarres sont nombreuses : les trois furies ; les méchants esprits ; les démons ailés voltigeant dans les airs ; les géants ; Lucifer, faisant de ces hommes damnés son festin, qu’il mastique avec plaisir en nous regardant droit dans les yeux ! Le monstre Cerbère à trois têtes et le monstre Geryon nous font irrésistiblement penser à Harryhausen qui, une quarantaine d’année plus tard, animera les créatures les plus fantastiques qui soit, grâce à la technique de la stop motion.
Si l’on arrive à passer l’épreuve du rythme lent et du style très théâtral du film, cette plongée dans l'Enfer nous offrira une visite agréable des lieux en compagnie de Dante et de son guide Virgile, en des endroits où l’on ne souhaiterait pourtant pas s’éterniser !
L’Inferno est visible ici avec des sous-titres français mais présente une mauvaise qualité d'image:
https://www.youtube.com/watch?v=4XG4RpHMsxY
Pour ceux qui maîtrisent l'anglais, il est recommandé de regarder plutôt cette version qui offre une bien meilleure qualité de l'image: https://www.youtube.com/watch?v=BRUkyHvsvfg