Obsession auto-destructive
"L'enfer d'Henri-Georges Clouzot" laisse supposer ce qu'aurait pu être "L"enfer". En même temps, les réalisateurs nous montrent tout ce qui a fait capoter le projet, désignant par là même le coupable principal : Clouzot lui-même.
Le déroulement est intéressant dans le sens où l'on montre ben que les ennuis arrivent petit à petit et que c'est vraiment dans l'accumulations que les problèmes ont pris de l'ampleur. En soi, le budget illimité n'est pas un problème, en soi, avoir deux ou trois équipes pour tourner n'en est pas un non plus, mais Clouzot, peu à peu, va perdre les pédales dans sa mégalomanie et c'est ainsi que tout va capoter.
Les auteurs ont bien sûr leur propre conviction qui est très communicative, à savoir, transmettre une image fantasmée de ce qu'aurait dû être "L'enfer". C'est vrai, au fond, ça aurait pu être une purge prétentieuse, mais Clouzot a si rarement raté le coche et ses expérimentations sont si intéressantes qu'on a qu'une seule envie : que "L'enfer" aurait été un chef d'œuvre. Le parti pris est plutôt bien défendu, non sans contre argument. On montre bien que Clouzot devenait fou, qu'il réécrivait sans cesse son scénario, lui qui avait à la base tout calculé en préprod. Et c'est ça qui passionne dans le film, le fait d'avancer une thèse mais aussi d'avancer, sans crainte les arguments de l'équipe des détracteurs. Il ne reste alors plus que la foi pour y croire. Et la foi, c'est justement ce que Clouzot avait au cours de ses multiples remaniements de scripts, et c'est ce qu'on son équipe avait dans la mesure du possible.
Le film est tout de même un peu long, et je regrette cette volonté de vouloir reconstruire certaines parties du film en engageant Gamblin et Bejo (qui joue mal en plus). Ça casse le rythme, ça ne raconte rien de très intéressant (ça ne fait que répéter ce que la voix off a déjà exprimé) ; pire, on dirait que les deux réal tentent d'amener une structure expérimentale à l'instar du film de Clouzot, sauf que n'est pas Clouzot qui veut...
La narration est tout de même intéressante dans le sens où les auteurs parviennent à créer de la tension, du conflit, et ce en construisant Clouzot comme un personnage de fiction et en lui attribuant un objectif principal (qu'il échouera malheureusement). Cela montre bien que, quelque soit le genre, une histoire nécessite certains ingrédients, même s'il s'agit de la réalité que l'on filme au travers d'un docu : des personnages, des conflits, un objectif principal pour structurer le tout.
Bref, "L'enfer d'Henri-Georges Clouzot" est un docu intéressant sur la chute d'un homme à cause de son obsession. La narration souffre de quelques effets expérimentaux mais le film reste un intéressant témoignage de cet enfer qu' a été le tournage.