Bienvenu dans l'univers des grosses frustrations. Oui je l'ai dit. Pas frustration envers le documentaire en lui-même, mais frustration envers un film qui ne verra jamais le jour. Ce n'est pas la première fois que je vois un documentaire sur un chef d'oeuvre avorté. Le premier étant Jodorowsky's Dune qui est incroyable et dont je recommande la vision. Tout comme le fait que je n'ai jamais vu le Dune de David Lynch, je n'ai pas vu l'Enfer de Claude Chabrol avec François Cluzet et Emmanuel Béart. Ici on a le documentaire d'un film où la recherche de la perfection était tel qu'il a fini par tuer son créateur. Un documentaire aussi immersif que Jodorowsky's Dune et qui donne un parfait éclairage pour un film visionnaire...pour l'époque (oui je reprends les mots du Fossoyeur).
Henri-Georges Clouzot , la perfection
Je ne connais Henri-Georges Clouzot que pour son film le Salaire de la Peur avec Yves Montant. Et je regrette de connaître si peu de choses du réalisateur. Ce documentaire réalisé par l'Animateur Serge Blomberg (celui qui animait les show animés au début de France 5, vous savez les émissions qui ressemblaient à Ça Cartoon ?). Il nous livre un documentaire simple par la forme mais incroyable par le fond. Alternant entre les interview de principaux acteurs ou témoins, notamment Gilbert Army, Costa-Gavras, William Lubtchansky, Thi Lan Nguyen et Joël Stein . J'adore cette forme parce que contrairement aux making-of souvent trop lisses et positifs (salut le making of de Sense 8...), ils apportent un point de vue neutre et pertinent. Narré par Serge Blomberg lui-même, je suis moins fan des séquences interprétées par Berenice Bejo et Jacques Gamblin qui interprètent les rôles qui étaient dévoués à Romy Schneider et Serge Reggiani. De bons acteurs et ils interprètent bien les personnages, mais cela fait bizarre de les voir sur fond gris. Je comprends la démarche, mais les mettre à coté des rushs filmés par Henri-Georges Clouzot, on sent la différence. Personnellement, je ne suis pas fan mais je trouve quand même cohérent dans le documentaire.
Un artiste obsessif
Le film nous décrit à quel point le film qui était un projet ambitieux est devenu un véritable enfer (Ah Ah Ah) pour les concernés. D'un Henri-Georges Clouzot enthousiaste d'avoir engagé 2 figures du cinéma européen, on est passé à un Henri-Georges Clouzot intransigeant et dictatorial au point que sa santé en a fait les frais. Du coup, on a obtenu un film qui restera pour la postérité inachevé. En clair, je ne sais pas ce qui est pire. Un projet de film cool sur le papier mais qu'on ne verra jamais une image ou un film dont on connait les images mais qui n'est pas fini ? (D'un coté nous avons Dune version Jodorowski, Crusade, X-Men : Magneto, Justice League Dark Version George Miller et de l'autre on a ce film-ci, la première version de l'Homme qui tua Don Quichotte et le film Empires of The Deep qui promettait être un joli nanar). Le débat reste ouvert et cela me fait prendre conscience qu'un film est toujours une entreprise difficile. La pire des choses qu'on puisse me dire quand je dis du mal d'un film est cette phrase :
Si tu étais à leur place tu ne ferais pas mieux
Non, je ne suis pas à leur place. Mais ce n'est pas pour autant que je ne suis pas conscient des difficultés de monter un projet de film et de voir les concrétiser, surtout quand il s'agit d'une entreprise ambitieuse. Et c'est pour ça que personnellement, je préfère regarder les documentaires sur le cinéma et les projets de films que les making of (même si je regarde les making of). Surtout quand un film n'a pas pu se monter. Parce qu'on sent vraiment la passion , l'énergie et surtout les difficultés qu'ils rencontrent (difficultés qu'ils peuvent venir d'eux même ici aussi, Henri-Georges Clouzot et Serge Reggianni étant décédés par la suite sans que le film ne se finisse).
Excellent documentaire
Bref, il s'agit d'un documentaire que je conseille. J'ai une préférence au documentaire de Dune, mais celui-ci malgré sa forme classique reste intéressant. Reste pour moi de découvrir la version de Claude Chabrol.
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