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Il me tardait de découvrir ce Teruo Ishii dont j'appris honteusement l'existence il y a peu. Son univers me laissait entrevoir quelque chose de crade, d'amoral mais non dénué d'un certain professionnalisme. La notion de territoire hostile ne se fit pas ressentir puisque il y a déjà maintenant des années, en quête de sensations fortes, je me mesurais au très sulfureux Shogun's Sadism qui fit sensation et est toujours reconnu chez les cinéphiles chevronnés et adeptes de sensations fortes.


Son incontournable collection "Joys of Torture" démarra pour moi avec le titre très explicite "L'Enfer des Tortures". Ne nous mentons pas que l'on peut compter dans ce genre un bon film pour 10 navets purulents. Ce n'est ni un slasher, ni un torture porn. C'est un curieux mélange de drame social mâtiné de souffrance tant physique que psychologique. Une référence qui me sauta aux yeux fut le célébrissime Salo ou les 120 jours de Sodome sortit 6 ans après et dont la thématique est identique : le pouvoir par la force, la domination impitoyable d'humains (en l'occurrence ici des femmes) par leurs bourreaux s'acoquinant de relations marchandes avec de riches européens. Bref une allégorie du fascisme où une poignée de crapules contrôlent la vie des autres, bafouant des notions aussi élémentaires que les droits de l'Homme et les libertés individuelles, que ça soit la liberté de déplacement ou le droit à disposer de son propre corps. Bienvenue alors dans un monde sans pitié, dans l'horreur des réseaux clandestins et de la traite des femmes (et de quelques travestis extravagants). Toutes ont un lourd passé, qu'elles soient des anciennes prisonnières ou des orphelines. Bref, ce sont des cibles faciles pour asseoir ses pulsions macabres de toute puissance.


Il est indispensable alors de préciser que L'Enfer des Tortures, comme je l'ai dit avant, n'est pas le genre de long-métrage grand-guignolesque où le sang coule à flot comme l'idée que nous nous faisons d'un slasher. Le nom tape-à-l'oeil est à remettre dans le contexte d'une époque qui n'avait pas l'habitude de ce style fort particulier qui ne plaira pas à tous (merci Captain Obvious !). Gageons de préciser que Ishii a d'autres ambitions et nettement plus intéressantes autant cinématographiquement que intellectuellement parlant. Le générique de début mensonger n'aidant pas car il n'a que très peu de rapports avec le contenu réel. Ici présent, une débauche absurde de viols, de bondage et de coups pleuvant gratuitement sur ces pauvres nymphes torturées avant tout par leur condition. Certes, il y aura bien quelques scènes graphiques du plus bel effet dont une dernière tout bonnement fantastique mais la torture est primordialement psychologique. Et ce n'est pas plus mal !


Pensez un peu au malaise de cette caméra poursuivant une femme effrayée dans un long couloir nous regardant simple spectateur devenu voyeur et complice de leur souffrance. N'est-ce pas plus efficace qu'un psychopathe au QI d'un poil de cul de chèvre jouant avec sa scie comme un gosse joue avec son hochet ? Mieux encore Ishii joue avec la notion de ce que nous nous faisons de l'esthétique. Car si l'image est d'une admirable qualité, les décors somptueux et raffinés, ce qui saute aux yeux est bien cette avalanche de tatouages tout aussi pittoresques qu'envoûtants. Ces tatouages sont la marque de la domination suprême s'inscrivant à vie en elles, Ishii pervertit l'esthétisme et en vient à ce que nous soyons séduits par une beauté naissant sur les tourments des condamnées. C'est ça que j'ai apprécié dans L'Enfer des Tortures. Le mal-être entre en nous par le biais d'idées originales, d'instants foulant des sentiers inattendus. C'est un nouveau cinéma que nous sert sur un plateau d'argent Teruo Ishii.


Novateur par sa mise en scène, aidé par une bande-son irréprochable et bénéficiant de son identité japonaise indissociable, L'Enfer des Tortures est un mets de choix pour les aficionados désireux de mettre la main sur des pellicules se hissant bien au-dessus du ras des pâquerettes d'une scène globalement médiocre. Dommage que quelques longueurs ne se fassent ressentir.

MisterLynch
7
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le 24 mai 2021

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MisterLynch

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