Parfois certains films deviennent presque merveilleux à force d'inutilité abyssale, comme des contre-exemples qu'il faudrait soigneusement étudier à l'école pour savoir tout ce qu'il ne faut pas faire au cinéma... Ici, le plus beau concerne la narration, avec une des plus belles successions de scènes vaines que j'ai pu voir dans ma vie, le tout baignant dans un montage inepte à la temporalité massacrée... Hop, deux minutes avec Helen Mirren qui se baigne dans la piscine, une minute laborieuse sur le fiston qui sort dans la rue crier sa rage, la fille qui rejoint sa mère dans la piscine, probablement, le climax du film, le nabot du F.B.I. qui mange un sandwich et rebondit habilement dans notre cervelle déjà atteinte avec la scène à couper au couteau entre le ravisseur Willem Dafoe et le kidnappé Robert Redford : "vous préférez un sandwich au thon ou au jambon ? - Au jambon. - Heu... flûte, on va plutôt partager les deux en fait !"...
Ce qui est bien, c'est que dès la première seconde du film on sait que rien ne fonctionne, que c'est filmé en dépit du bon sens et collé ensemble par un caniche ivre un soir de grande mélancolie, alors on essaie tout, à commencer par la sieste, mais rien ne marche non plus, le film doit-être contagieux, même relever les dizaines de milliers d'incohérence se révèle vite impossible, l'histoire, absolument sans enjeux continue pourtant dans l'indifférence générale, même les décors sont assez puants, une table dressée qui donne des envies de meurtre au lieu d'aiguiser l'appétit, m'enfin, petit effort tout de même pour aller se chercher un bon bol de bouillon chaud, inutile de couper le film d'ailleurs, à quoi bon ?...
A un moment on se demande quand même un peu pourquoi trois acteurs chevronnés et plutôt respectés par leur profession peuvent lire un scénario pareil sans tiquer et signer le contrat sans le lire mais on préfère ne pas trop creuser la question... Et puis derrière tout ça il y a quand même ce type, Pieter Jan Brugge, qui croit qu'être un producteur à succès donne les moyens d'écrire et de réaliser son film les doigts dans le nez sans les plus petites notions des spécificités de ces nouveaux métiers...
A noter tout de même une forme de cohérence, à un moment je dis à ma compagne d'infortune que je ne m'étais probablement pas emmerdé autant devant un film depuis Miami Vice, une séance très douloureuse pour nos deux mémoires, et je viens de me rendre compte que c'est justement le film que produira ce Batave démoniaque en sortant de cette expérience douloureuse pour tout le monde, comme quoi, même la pire ignominie peut posséder une implacable logique qui vous transpercera le fondement une fois de plus sans pitié ni vaseline.

Torpenn
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le 9 déc. 2013

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