L'Ennemi intime par NicoBax
J'espérais avoir un film de l'intensité dramatique de "Indigènes" avec la même profondeur mais ça n'a pas du tout la sensibilité ni la subtilité du film de Rachid Bouchareb. A trop vouloir évacuer le manichéisme, on tombe dans la tiédeur. Le réalisateur alterne les exactions d'un camp et de l'autre (avec, j'ai trouvé, un peu plus d'indulgence pour le camp français - genre : ils ne torturent que pour avoir des infos alors que le FLN égorge systématiquement) de façon un peu terne, je ne me suis jamais vraiment senti impliqué dans l'horreur de cette guerre qui n'en a eu la qualification qu'en 1999.
On perd en "analyse" pour avoir des dialogues du genre "mais quand même, les mecs du FLN, faut les comprendre, on a donné l'indépendance à la Tunisie et au Maroc" "oui mais l'Algérie c'est la France" "alors il faudrait que les Algériens aient les mêmes droits que les Français"... Je pense qu'il y avait moyen de tourner ça de façon moins balisée. Un peu comme la fin, on aurait pu se passer de l'explication en voix off qui casse un peu la "magie" de cette dernière scène.
On passe aussi sous silence l'implication Harkis (même si les soldats algériens sont très présents, on ne les nomme Harkis qu'une fois alors que ça aurait été bien qu'on les resitue par rapport à leur traitement après l'indépendance). on a aussi l'impression que les armées françaises en Algérie sont coupées de la France... Etrange ce sentiment d'isolement mais peut être tout à fait juste. En tout cas, la photographie est superbe.
Niveau acteurs... Je sais pas quoi penser de Magimel ce coup-ci. On sent qu'il a aimé Christopher Walken dans "Voyage au bout de l'enfer" mais son évolution est un peu abrupte. Pas totalement convaincant mais pas mal quand même. Le gradé barbu avec une barbe à la Robert Hue en fait trop, les troufions sont un peu trop anonymes, les acteurs algériens sont assez touchants (le gamin et le vétéran de la 2nde guerre mondiale) mais celui qui crève l'écran, c'est Dupontel. Ce mec est incroyable, il dégage un truc unique en France : un sensibilité, une dureté, un malaise... Il est toujours habité par son personnage, chapeau monsieur Albert.
Bref, assez décevant ce film sur la guerre d'Algérie... Une version un peu raté de "voyage au bout de l'enfer" version 1959 de l'autre coté de la Méditerranée.