La démarche de Ken Loach pour retranscrire "L'Esprit de 45" s'inscrit dans une continuité très naturelle à l'échelle de sa filmographie et de l'imaginaire ouvrier qui s'en dégage sans disparité. J'aurais tendance à penser que le résultat l'est également : convaincu sur le fond (à défaut d'être véritablement convaincant), mais toujours aussi peu passionnant dans la méthode employée pour développer le discours. La particularité du format documentaire ne change en réalité pas grand-chose aux modalités de son expression : c'est très didactique. Le résultat est je pense sans appel : on prêche les convaincus et on irrite les autres, quand ils ne se seront pas désintéressés d'eux-mêmes.
Malgré cette composante pédagogique à l'excès, il y a pas mal d'éléments bons à prendre, notamment dans l'effort de contextualisation des années 1940 britannique : l'unité résultant de la guerre, les souvenirs douloureux de l'entre-deux-guerres, l'émergence d'un nouveau repère social abondant en direction de la fraternité... Ainsi le docu est partagé entre images d'archives et entretiens contemporains unis dans un style noir et blanc pour limiter les dissonances. J'ai bien aimé comment le docu témoigne de revendications bouillonnantes de l'époque, ainsi que le contenu des images d'archive — les conditions de vie des ouvriers au milieu du XXe siècle sont assez incroyables, je pense que je garderai longtemps en tête ces images de couvertures infestées de puces. On peut aussi s'amuser de la sortie du film en 2013 lors des funérailles de Margaret Thatcher.
Pour le reste, je n'ai pas vraiment idée de la précision de l'analyse, que j'imagine toutefois partiale, pas nécessairement de mauvaise foi, mais en tous cas cantonnée à une dichotomie labour / tories un peu réductrice. Restent l'enthousiasme provoqué par la mise en place de l'état providence par Clement Attlee après l’éviction de Churchill, et les témoignages concernant les miséreux ayant gratuitement accès pour la première fois à des lunettes par exemple (les grands fléaux d'alors : pauvreté, maladie, manque de logement, insalubrité et chômage). L'énumération aurait pu être un peu moins lassante avec une construction dialectique un peu plus travaillée et donc un format moins paresseux.