De Palma fait un film de vacances avec des copains
Entre le bûcher des vanités, et le grandiose "Carlito's way", Brian réalise un film pour le moins oublié, "Raising Cain", avec un budget modeste. C'est un sympathique petit film de vacances, où le maître du suspense a vraisemblablement dû simplement se faire plaisir.
D'ailleurs chez les acteurs, il a convoqué tous ses potes d'antan :
- John Lithgow en premier lieu (Obsession, Blow Out), encore une fois dans le rôle du bad guy psychotique, où il cabotine comme un malade en jouant n'importe comment, à noter que le dernier plan du film où il apparaît est à la fois hilarant et flippant et témoigne du fait que le film n'est à surtout pas à prendre au 1er degré (comme toujours chez De Palma qui a un humour très tordu).
- Et parmi les seconds rôles, le très moyen Steven Bauer (le pote de Tony Montana), encore une fois totalement insipide, enfin il fait ce qu'il peut avec le rôle qu'il a le pauvre. Gregg Henry, le mythique indien de Body Double, dans le rôle du détective de police (lui aussi ne sert à rien),
Et comme héroïne, une petite nouvelle assez jolie, une certaine Lolita Davidovich, dans le rôle de la femme de Carter (John Lithgow).
Alors, c'est simple, si vous n'aimez pas De Palma, si vous n'aimez pas son style, ne regardez pas ce film parce qu'il cumule toutes les "tares", tous les défauts que pourraient lui reprocher ses détracteurs :
- C'est grandiloquent, De Palma s'autocite, cite, récite jusqu'à la nausée toutes ses plus grandes scènes d'antan, le ralenti interminable des incorruptibles avec le berceau qui descend ici d'un ascenseur, et non pas par les escaliers, lui même inspiré d'Eisenstein et du cuirassé Potemkine. Le méchant qui se travestit avec une longue perruque et qui traîne également souvent dans les ascenseurs (Michael Caine dans Pulsions), et encore un nombre considérable de citations restantes (dont certaines sur des films que je n'ai pas vus, comme par exemple "Sisters)
- En même temps c'est hyper cheap, l'esthétique du film fait très téléfilm des 90's
- La musique de Pino Donaggio n'aide pas dans ce sens là, et fait vraiment "Santa Barbara", surtout la scène à l'hôpital.
- C'est grotesque, à la limite de la parodie, les scènes d'amour, les scènes où le perso de Bauer (un quidam) et de Davidovich (une infirmière) s'enlacent après être tombés amoureux en se regardant 15 secondes, alors qu'à côté il y a la femme de Bauer dans un lit d'hôpital en train de crever d'un cancer en phase terminale (enfin je ne sais plus quelle est sa pathologie précisément). Cette dernière se réveillant soudainement et voyant les deux zozos s'embrasser, se tape une crise cardiaque avec yeux exorbités façon film d'horreur des 50's.
Idem pour les multiples personnalités du personnage de Lithgow, croque-mitaine moderne complètement tordu et kidnappant des enfants dans des parcs à jeux, jouant successivement le rôle de Carter (le bon père de famille dans sa vie normale, accessoirement psychologue), et quatre autres personnalités : Caïn (le diable personnifié qui le pousse à kidnapper), Dr Nix (son père complètement dingo), Josh (un petit enfant débile), et clou du spectacle Margo (petite fille complètement débile).
S'ensuit une séance d'hypnose grotesque, où une psychiatre tente de parler aux différentes personnalités de Carter, pour savoir où il a caché les enfants kidnappés, et là Lithgow en totale roue libre se met à jouer n'importe comment la petite fille avec des mimiques ridicules. Bref on est très près du nanar.
- Aucun scénario, ça a a dû être écrit par De Palma, un week-end sur un coin de table, qui voulait simplement faire joujou avec des scènes de suspense...
Bref pour quelqu'un qui n'aime pas De Palma, il a toutes les clés dans ce film pour bien comprendre les raisons de son dégoût.
Manque de bol, j'adore De Palma, et même si ce film est (volontairement?) foiré, même s'il est totalement anecdotique, on reconnait à certaines scènes son putain de style, sa maîtrise géniale du suspense, ses (ré)inventions inédites, son plaisir communicatif (la scène où la voiture ne veut pas couler sous l'eau, l'introduction du film géniale, même la scène finale grandiloquente au ralenti bien qu'elle soit assez incompréhensible et illisible est enthousiasmante, et quelques plans séquences dont il a le secret).
Il est excessif à tous les niveaux, dans la vulgarité, dans la grossièreté, dans le baroque, c'est un pur film de série B, un plaisir de cinéphile. Il refait toujours la même chose, comme un peintre referait 20 fois le même tableau, avec à chaque fois de légères variations.
Finalement, ça aurait pu être un très bon film, s'il avait eu un scénario moins pauvre, là c'est quand même très plat, et au final on s'en fout un peu des tribulations de Lithgow.
En tout cas il y a un parallèle à faire entre Brian de Palma et Dario Argento qui ont un peu le même style dans le fond et qui sont capables dans le même style baroque, du pire, comme du meilleur (et souvent du pire, enfin surtout dans leurs fins de carrières respectives).