Séquences virtuoses de Hitch, tout comme avant, mais un film politiquement incorrect pour la France

C'est un Hitchcock classique pourrait-on dire.

L'intrigue est inspirée d'un roman de Leon Uris de 1967 qui fut censuré en France car il mettait en cause l'entourage de De Gaulle. Il aurait été infiltré par des espions soviétiques, selon un authentique espion français du SDECE, transfuge aux Etats-Unis pendant la crise des missiles de Cuba en 1963. Les américains n'ont eu aucun mal à accepter cette idée, au contraire des français.

Subséquemment le film a été éreinté par la critique en France, ce qui en dit long sur l'infiltration du "politiquement correct" de l'époque dans la cinéphile commune.

Pourtant les ingrédients présents dans les oeuvres du maître, qui furent précédemment encensés par tous, y compris par la critique française, sont bien là. 

Par exemple, de longues scènes muettes, à la fois fluides et  inquiétantes.

Dans l'introduction du film, l'exfiltration vers l'Ouest, risquée, de la famille d'un transfuge du KGB pisté par ses ex confrères en Finlande ; puis la transmission d'une mission dangereuse par un espion français à un autre, filmée derrière une vitre .

Puis encore une double scène, bavarde au premier plan et muette en arrière-plan (le vol de documents chez un chef cubain interviewé sur un balcon devant une foule à New York).

Par exemple, des moments de confrontation par le verbe et les mimiques, intelligents et subtils, entre les personnages (notamment ceux avec John Vernon qui joue un chef castriste déchiré entre le devoir et l'amour).

Par exemple, des scènes chocs et esthétiques, pour nous rappeler que c'est avant tout du cinema, comme la mort à Cuba de l'espionne anticastriste dans une robe mauve qui se déploie sur le sol comme le ferait une mare de sang ; ou un couple pathétique qui, après avoir été torturé, est mis en relief dans un plan émouvant comme une pièta. 

Le casting est moins couteux que dans ses grands films des années 50, avec moins de grandes stars internationales. MDais il est quand même recherché : l'espion français est joué par Frederick Stafford, l'américain par John Forsythe, le chef cubain par John Vernon, la femme du français par Dany Robin, l'espionne cubaine par Karin Dor, les hauts fonctionnaires par Philippe Noiret et Michel Piccoli, et en seconds rôles nous avons Claude Jade et Michel Subor. 

Certes Frederick Stafford n'a pas le charisme de Cary Grant dans North by Norwest (La Mort aux Trousses) ni de James Stewart dans Vertigo (Sueurs Froides) ou de Paul Newman dans The Torn Curtain (Le Rideau Déchiré). Mais quoi ? Est-ce que Tippi Hedren dans The Birds (Les Oiseaux) en avait autant que Grace Kelly dans Rear Window (Fenêtre sur Cour) ?

La fin du film est cependant trop abrupte, comme bâclée.

D'ailleurs, deux alternatives avaient été tournées, qu'on peut maintenant facilement trouver.

Celle où le chef de réseau français démasqué est exécuté par le KGB pendant un duel avec l'espion honnête est encore plus ridicule que celle qui a été gardée.

Quant à l'autre, non gardée elle aussi, elle aurait été la plus crédible quoique plus cynique : le traître prend l'avion tranquillement vers l'URSS en face du français qui monte quant à lui les marches d'un autre avion pour les Etats Unis (ce qui nous ramène à l'espion du SDECE qui inspira le livre).

Michael-Faure
8
Écrit par

Créée

il y a 8 jours

Critique lue 8 fois

2 j'aime

2 commentaires

Michael-Faure

Écrit par

Critique lue 8 fois

2
2

D'autres avis sur L'Étau

L'Étau
-Marc-
5

Topaz

En 1969, Alfred Hitchcock présente "L'étau" un film d'espionnage inspiré du roman de Léon Uris "Topaz". En 1973, Henri Verneuil présente "Le serpent" inspiré du roman de Pierre Nord "Le 13ème...

le 22 janv. 2014

8 j'aime

L'Étau
King-Jo
5

L'Etau variable, j'arrête l'Etau

Un visionnage transformé en véritable séance de torture m'aura suffit à comprendre cette moyenne aussi basse. J'étais comme Alex Delarge devant mon écran, des pincettes morales gardant mes yeux...

le 30 janv. 2013

7 j'aime

L'Étau
estonius
7

Un petit Hitchcock qui vaut bien mieux que sa mauvaise réputation.

Le film a été descendu en flamme pour de multiples raisons, la première étant qu'il était en ces temps-là mal venu de critiquer Cuba, longtemps considéré comme un joli pied de nez à l'impérialisme...

le 24 déc. 2018

5 j'aime

1

Du même critique

Le Rideau déchiré
Michael-Faure
8

Hitch renouvelle ses anciens films d'espions en intégrant le côté sombre des années 60

Il est à la fois dans la veine des films d’espionnage que Hitchcock a tourné la décennie précédente (installation progressive d’un suspense de plus en plus haletant, comme North by Northwest ou...

il y a 8 jours

4 j'aime

Johnny Guitare
Michael-Faure
8

Western flamboyant qui n'a pas volé un statut de film culte malgré des rôles féminins trop surjoués

Avec la séquence d’ouverture où un cavalier, joué par Sterling Hayden, traverse un col une guitare sur le dos tandis que des pans de montagne explosent au-dessus de lui, puis jette un oeil...

le 20 nov. 2024

4 j'aime

Dieu et le chameau
Michael-Faure
8

Un conte à la fois cocasse et mélancolique sur la solidarité, l'amitié et l'amour

Si on cherche de la crédibilité à cette histoire, on sera décu. Mais à mesure que se succèdent les cocasseries mélancoliques de ce périple, on comprend que c'est un conte, très tendre sur les humains...

le 19 mai 2024

4 j'aime