Le petit Masao s’ennuie durant l’été et souhaite vivement revoir sa maman dont il n’a qu’une photo pour souvenir. Il sera accompagné dans sa recherche par Kikujiro, un truand de bas étage qui se retrouve embarqué dans cette histoire, contraint par son entourage. Si le cinéma de Kitano m’a globalement plu jusque-là, on ne peut pas forcément dire que ça m’ait remué ni touché des masses. Mais avec l’été de Kikujiro c’est désormais le cas, ce film m’a vraiment émerveillé.
Road-movie barré, drôle et touchant, le métrage de Kitano nous embarque dans un voyage atypique avec des personnages aussi pittoresques qu’attachants. L’évolution de la relation entre les deux protagonistes principaux est très bien traitée, évitant subtilement cette trajectoire clichée qui consiste à partir des antagonismes entre personnages au départ pour découler sur une guimauve sentimentale. Ce n’est heureusement pas le cas ici et ça n’empêche pas le film de révéler une grande part de tendresse. Chaque personnage apprendra quelque chose de l’autre et grandira d’une certaine manière. C’est la rencontre de deux solitudes, toutes deux différentes, qui s’oublieront le temps d’un périple estival.
Et pourtant dans cette atmosphère qui pourrait paraître douce au premier abord, Kitano n’hésite pas à traiter de thèmes durs comme l’abandon ou la pédophilie qui contrastent avec le monde d’enfant de Masao. Et c’est ce monde que Kikujiro tentera de recréer via des jeux loufoques, juste pour lui redonner le sourire. Ce film arrive à conserver cette légèreté très appréciable malgré les quelques scènes difficiles, il navigue aisément entre rire et émotion sans que le mélange paraisse improbable. Les rencontres que les personnages font sur la route sont irrésistibles avec une mention pour les deux motards qui feront l’objet de mises en scènes barrées pour amuser l’enfant. Et c’est la force du film aussi, celle de voir cette part de magie qui réside dans la réalité malgré ses innombrables maux. Celle de voir des humains loin d’être parfaits qui se métamorphosent et s’unissent pour créer un univers innocent où l’on joue, où on l’on rit, où on échappe tout simplement à ce que la vie propose de pire. C’est un film très humain, dans le sens noble du terme.
On notera également la partition extrêmement belle de Joe Hisaishi, utilisée avec parcimonie et contribuant parfaitement à la dimension feel-good du film. Je me suis passé « Summer » en boucle plusieurs fois après le film d’ailleurs. L’été de Kikujiro est l’exemple-même du voyage duquel on ressort le sourire aux lèvres malgré les tumultes et scènes bouleversantes. La rencontre avec la mère c’était quand même quelque chose… J’ai rarement ressenti autant de tristesse. Le cinéma populaire dans ce qu’il propose de meilleur, un très bon film.