Plénitude solaire, pantomime enjouée, traumatisme déjoué, mélancolie neutralisée, couple improbable mais authentiquement touchant, L’été de Kikujiro a tout du feel good movie qui marque les esprits et nous transporte sur un nuage plein de tendresses et de douceurs singulières. Voyage initiatique dans un Japon radieux : c’est un road movie lent et atypique qui nous expose la rencontre entre Kikujiro, un yakusa médiocre mais généreux, et Masao, un enfant de huit ans à la recherche de sa mère, perdu dans ses repères parentaux.
L’été de Kikujiro tient sa beauté de sa règle d’introspection, celle d’un adulte qui va graduellement retomber en enfance à mesure que son rôle dans l’histoire sera de plus en plus déterminant. L’enfance est une porte ouverte vers de délicates initiatives dont le but est de réparer autant que de divertir. Étonnamment, le film provoque peu d’éclats de rire. L’humour agit plutôt comme un antidépresseur naturel qui procure un sentiment de bien-être, d’enchantement renouvelé sans gouaille extrême. C’est un art subtil qui se manifeste : caricatures exquises, clowneries désarmantes, sourires plein de tendresses, amitiés rocambolesques.
C’est la rencontre providentielle entre deux timides qui s’affectionnent et se comprennent à travers leurs points communs (isolement, privation d’une mère) après leur divergence initiale (Kikujiro est d’abord orgueilleux et distant avant de devenir protecteur.)
Le tout est porté par les mélodies mutines de Joe Hisaishi, un des emblèmes marquants du film, capable d’offrir des séquences de cinéma portées par des notes de piano qui nous projettent des images merveilleuses, comme dans un rêve, en rendant l’ensemble iconique, enjoué et émouvant.
L’été de Kikujiro, c’est un voyage, un théâtre de jeux, des vacances avec des personnages étonnants et extraordinaires, parfois durs a priori, mais finalement prêts à toutes les créativités espiègles. Contrairement à la plupart de ses autres films, Kitano évoque peu la mort ; le danger peut être présent mais ce qui gagne à la fin, c’est la joie de vivre, de partager, de se solidariser, de fabriquer son âge d’or, de se retrouver, de gagner son destin.
Aventure, ange, robot, ailes, canne, plage, tatouage, soleil, poésie, récréation, bienveillance, humanité… Le champ lexical du film est envers et contre tout optimiste. C’est une célébration de la vie.