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"chéri.....on a été cambriolés"


D'ordinaire, lorsque je regarde un film, quel qu'il soit, je reste un petit moment en silence, à disséquer ce que je ressens à la fin de la séance. Je n'ai pratiquement personne de cinéphile dans mon entourage, ce qui m'amène souvent à lire quelques critiques, toujours après visionnage, histoire de chercher avec délice une preuve que non, je ne suis pas seule et que je ressens, voit, interprète tel ou tel élément comme au moins un de mes congénères sur cette terre.


J'écris quasiment tout le temps un texte, que je ne juge jamais assez bon pour être publié.

De là, je me demande sincèrement ce que ce film a réveillé au point de me foutre littéralement de savoir si cette critique sera lisible ou pas... Et la seule réponse qui me vient est : une mise au point.


Mise au point car je ne suis pas sûre d'avoir bien vu, ou bien compris ce que l'on a voulu me montrer.


Une grande bourgeoise qui s'emmerde dans une vie où boire du vin semble être la seule activité interressante en dehors de son travail ?

Un mari naïf et un amant provocateur ?


Je refuse de voir ce film comme un vaudeville "classique". Je tiens tout de même à préciser que je me considère cinéphile bien que ma culture cinématographique soit minuscule. Que je ne connais aucun autre film de Catherine Breillat, et que je n'en ressent aucune honte.


J'oublierai donc volontairement de situer cette oeuvre dans un quelconque ensemble, cohérent ou non.


Je préciserai également que dans le cadre de mon travail je traite régulièrement des questions de domination, d'inceste, et de sexualité adolescente.


Qu'ai-je vu alors ?

Un adolescent paumé et provocateur, arrivé chez son père qu'il connait peu suite à des problématiques scolaires entre autres. Un gosse qu'on prend ou qu'on laisse au choix, en fonction du point de vue. Ce qui est sûr c'est qu'il ne reçoit aucun affect de qui que ce soit. Aucun réel affect. Il est juste là, fait à peu près ce qu'il veut de ses journées et donc comme c'est un ado il fume, bois des bières et attend que le temps passe.

Un mari gentil et très occupé qui boit du whisky et mange en cravate, raconte des histoires dont tout le monde se fout. Il a l'air tendre avec ses filles et a également l'air d'avoir envie de bien faire avec tout le monde.

Et puis il y a elle, la Femme.

Métier sérieux, talons aiguille de toutes les couleurs et Mercedes. Le véritable cliché de la bourgeoise, mais elle, elle s'emmerde avec les gens normaux. Elle a un vécu traumatique, forcement sinon elle répondrait aux questions de Théo sur sa première fois et ne serait pas avocate spécialisée dans l'accompagnement des enfants victimes de violences.


Ce que je lis beaucoup, c'est que tout est filmé de manière crue. Je ne vois pas cela, ce que je vois, c'est qu'aucun moment de plaisir partagé n'est filmé. Chacun est seul, enfermé dans le rôle qu'on lui donne : femme adultère, homme naïf, ado rebelle. Mais in fine il ne reste qu'une femme dont la perversité n'est jamais réellement mise à nu, parce qu'on parle de relation adultère mais au final où est la Relation ? Il n'y en a pas. Théo en manque de repères teste les limites de son pouvoir de séduction comme le ferai n'importe quel ado un tant soit peu provocateur et ouvert à la sexualité. Anne, elle, se sert, ni plus, ni moins. Elle prend ce qu'elle veut prendre et elle ne se laisse pas aller à un quelconque sentiment mais au contraire à des pulsions tout à fait égoïstes. Quelle personne, qui plus est avocate dans CE domaine précis, dotée d'intelligence, mettrait en péril carrière, famille pour satisfaire un besoin charnel incestueux (car oui, c'est comme ça que la loi le qualifierait), si ce n'est parce qu'elle est elle-même un être construit sur le socle vacillant de la perversion et la confusion de ses propres limites ?


N'allez pas croire que je cherche à diaboliser cette héroïne. Je crois simplement que le film n'assume pas son propos.

N'assume pas les scènes de sexes. N'assume pas l'absence d'affect. N'assume pas ni d'en faire une perverse, ni d'en faire une paumée.


Anne n'est ni présentée comme manipulatrice perverse, ni comme victime de son propre trauma, ni même comme une femme qui s'interroge sur ses propres désirs.

Peut-être que dans la vraie vie les choses sont plus complexes que cela mais c'est bel et bien comme une perverse que je la voit. Ni la beauté des images, ni l'excellent jeu d'actrice de Léa Drucker n'ont pu à un seul moment me faire dire que cette femme s'était "laissé aller" à une pulsion charnelle, pulsion de vie, de jeunesse, de ce-que-vous-voulez.

De part sa profession il m'est impossible d'envisager un seul instant qu'elle puisse perdre le pragmatisme nécessaire au non passage à l'acte.

Dès la scène du lac on voit bien qu'il n'y a rien de "fun" là dedans, mais qu'elle ne sait pas où sont ses propres limites.


Dans un sens, cette lecture des choses me rassure. Dans le même temps, je m'interroge après avoir vu Mme Breillat parler elle-même de son film : suis-je totalement passée à côté de la gêne qu'Anne peut ressentir ????


Cela m'empêche-t-il de comprendre le fond du film ?


Je ferais un deuxième visionnage dans quelques mois. Mais pourquoi cette profession ???

Si ce n'est pas pour nous donner de la matière sur le vécu traumatique d'Anne, sa profession n'est pas utile au propos du film. Si en revanche on veut nous faire comprendre que seule elle compte, son plaisir et son envie de ne pas être "normale", sa dualité quand à la protection qu'un adulte doit à un mineur, alors là d'accord.


Si le film avait vraiment voulu me faire croire à une histoire de sentiment, c'est raté, déso Catherine je n'ai pas ressenti sa gêne une seule fois. Je n'ai pas senti le vertige du moment où elle risque de tout perdre. D'ailleurs, on nous montre bien à quel point elle fait preuve d'autoritarisme avec son mari, le rabaissant lui, puis Théo pour mieux s'en sortir. C'est inutile de préciser à quel point la parole d'un adolescent n'est rien, le film montre bien qu'ado perturbé égal menteur et donc c'est forcément l'adulte qui a raison.

La première scène du film est d'ailleurs une des clés pour comprendre ce qui se joue ici selon moi.


Je suis profondément désolée pour ceux qui sont arrivés jusqu'ici. J'ai bien conscience que tout cela n'est pas un texte très organisé.



PS : merci infiniment à ce film de m'avoir appris que dans la vraie vie des gens bourgeois ,quand on rentre dans sa maison et qu'on voit qu'on se fait cambrioler on est même pas énervé un tout petit chouillat.

Dariaa
6
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le 18 avr. 2024

Critique lue 6 fois

Dariaa

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