Ami de longue date de Satyajit Ray, Ritwik Ghatak n'eut malheureusement pas de chance à voir ses films diffusés dans le monde. L'Etoile cachée, comme les deux autres volets de sa trilogie ne fussent pas de grand succès au cinéma, même s'ils sont hautement reconsidérés aujourd'hui. Plusieurs impressions s'imposent lorsque l'on découvre le film. S'il s'agit évidemment d'une réussite formelle indéniable, au noir et blanc sublime sans parler de la composition des cadres, la vision proposée sur le quotidien de la femme indienne surprend par sa grande maturité.
Sans céder aux facilités du triangle amoureux, Ritwik Ghatak se sert de l'instabilité des relations amoureuses comme familiales pour décrire une maladie de l'âme, avant qu'elle ne soit physique pour Nita. Elle doit faire survivre les siens, qu'elle aime d'un amour fou, ne pas perdre son amoureux et veiller également à sa propre santé. Ce pitch qui pourrait paraître clair comme de l'eau de roche, n'est pas sans rappeler toutes les obsessions de Satyajit Ray, quand il s'agit d'illustrer les dilemmes amoureux, et professionnels pour rester en sécurité, durablement. Cependant, et à l'image des deux heures de film, le réalisateur utilise la figure féminine pour évoquer plus grand, l'histoire d'un petit village qui subit les conséquences économiques du partage du Bengale.
Le père perd la raison lorsqu'il voit sa fille dans cet état, disant l'avoir vu les faire survivre en prenant pitié de sa famille, et qu'il s'agit maintenant de l'inverse. En réalité, cette transformation lentement appropriée au personnage de Nita, c'est celle d'une conscience nationale. Le réveil du frère en fin de film est lourd de sens : à quel prix peut-on endurer le travail, peut-on en attendre autant de son prochain, alors que la situation sociale et économique ne le permet pas ?
Tandis que Nita demande à vivre de nouveau, les siens souhaitent la revoir, belle lumière sur un horizon incertain.