Encore un cinéaste indien au sale karma : trop indépendant, expérimental, alcoolique, mort à 54 ans, malgré le soutien de Satyajit Ray il n'a même pas vu sortir la plupart de ses films.
A peu de choses près, le scénario de l'Etoile cachée pourrait avoir été écrit par Lars von Trier. Nita, jeune femme prometteuse, vit avec sa famille réfugiée après la partition dans les faubourgs de Calcutta. Son père tient une école, son frère préféré Shankar (Anil Chatterjee, qui jouera notamment dans le sublime La Grande Ville de Satyajit Ray 3 ans plus tard) est un musicien crève la faim, sa soeur Gita se pavane en attendant un mari et le petit dernier Montu se fait dorloter par la mère.
Nita gagne un peu d'argent en donnant des leçons, elle veut faire des études. Elle a un soupirant, Sanat, qui lui envoie des lettres truffées de citations shakespeariennes et veut l'épouser. Un accident du père va tout bouleverser. Devenu incapable de subvenir aux besoins de sa famille, il se repose sur Nita, la seule à gagner de l'argent. Elle renonce donc à ses études, repousse son mariage pour faire vivre la famille qui ne lui en est en rien reconnaissante. Pire, la petite soeur lui vole son fiancé et l'épouse. La mère la hait de plus en plus chaque jour. Le père perd la boule. Montu le petit frère trouve finalement un travail mais est victime d'un accident de chantier et il faut encore à Nita trouver de l'argent pour l'opérer. Usée par ces responsabilités, la jeune femme développe la tuberculose. Pendant ce temps là, le frère aimé Shankar est parti à Bombay essayer de vivre de sa musique.
Le lieu d'échange se trouve au bord de l'eau, au bout d'une allée d'arbres, qu'emprunte Nita quand elle rentre chez elle. Avec un train qui passe parfois en arrière-plan. C'est le premier plan du film, une petite silhouette qui sort de sous les arbres immenses. C'est là que Shankar joue sa musique, c'est là que Sanat lui exprimera ses regrets d'avoir épousé sa soeur, et qu'elle lui tournera le dos avec son parapluie noir. Le noir et blanc est souvent magnifique et les cadres composés et très beaux. Le montage est audacieux, parfois expérimental, Ghatak agglutine les plans sans les raccorder, les soulignant d'une musique très expressive (jouée et composée par lui même, intégrant même des coups de fouet). Si le personnages secondaires sont parfois caricaturaux, celui de Nita est magnifique, qui ne désespère jamais et garde son humanité malgré tout le mélo.
nota : pas merci au festival de Fribourg et à Trigon films qui se vantent d'avoir sous-titré la copie montrée à la Cinémathèque qui sous-titre une phrase sur cinq, et rarement au bon moment.