Critique : L'étrange pouvoir de Norman (par Cineshow)
Il ne faudra pas vous laisser influencer par l’affiche ramenant à la surface un vague souvenir de Scooby-Doo. Car s’il partage le mini-bus, les couleurs pourpres, une gentille bande et des zombies avec les dessins animées d’Hanna Barbera, le film de Sam Fell et Chris Butler n’a guère d’autres points communs et curieusement, surtout pas de s’adresser aux plus jeunes d’entres nous. Réalisé en stop-motion, cette seconde réalisation des studios Laika après le génial Coraline de Henry Selick suit le chemin tracé par son prédécesseur, un chemin où réalité et fantastique s’entremêlent pour révéler de biens sombres mais belles histoires.
Contrairement à Coraline qui était l’adaptation d’un conte noir pour enfant écrit par Neil Gaiman, L’étrange pouvoir de Norman (Paranorman aux USA) est une création originale du studio de Portland directement inspirée par la propre enfance de l’un des réalisateurs, une œuvre cohérente par rapport à ses choix artistiques déjà assumés par le passé et vantés avec enthousiasme par le CEO Travis Knight, le fils du fondateur de Nike…et oui. Faussement plus familiale que Coraline, il surprend par sa volonté de rester au plus près de son sujet sans jamais trahir le spectateur ni adoucir le propos pour le rendre plus facile d’accès. Norman est un petit garçon particulier. Il voit les morts et peut leur parler. Un don en forme de malédiction pour cet enfant ostracisé ayant pour seul ami son voisin, un petit gros roux lui aussi marginalisé. On voit très nettement émerger des thématiques communes entre Coraline et Norman puisqu’au cœur de l’histoire, ce sont les mêmes caractères et les mêmes tortures intérieures que nos enfants vivent au quotidien. Une approche très sombre qui se distingue de la masse habituelle pour ce genre de productions en animation.
Au fil des minutes, l’équipe du film prend le temps de poser la psychologie de l’enfant et de son entourage de sorte à ce que lorsque l’élément perturbateur que sont les morts arrivent sur le devant de la scène, ce ne soit par un rollercoaster tout feu tout flamme mais bien une approche quasi psychologique qui domine, donnant évidemment une force supplémentaire aux images. Et cette volonté affirmée de rester droit dans ses bottes donnerait presque par moment un aspect rugueux, parfois même très dur. On aurait envie de rire, d’être emmené dans la magie mais le tout reste sombre, provoquant une relation ambiguë d’immersion tout en gardant une distance non négligeable avec les spectateurs. Une distance régulièrement appuyée par le registre très adulte du propos et ce malgré une réalisation et une narration souvent simple. Un manque d’ampleur un peu regrettable qui n’altère en rien la qualité générale mais qui pourra laisser quelques amertumes, car on aurait vraiment aimé vibrer d’avantage par une ambition encore plus folle à l’écran.
Avec son rendu visuel imparable, puisant sa force dans une animation sans faille, une photographie à tomber et de multiples références aux classiques de l’horreur, L’étrange pouvoir de Norman est une pépite du genre, dont la montée crescendo n’a pour objectif que de nous préparer à un final magistral, très surprenant mais à la puissance évocatrice incroyable. S’il renouvelle la logique de Coraline de prendre dans la dernière partie du film un virage plus extrême pour surprendre voire choquer, le nouveau bébé des studios Laika explose dans le bon sens du terme pour nous offrir un moment de poésie gothique dévastateur, à la fois effrayant et magnifique. Aidé par des effets visuels bien maitrisés et surtout très bien intégrés, le film doit être vu ne serait-ce que pour son final bluffant.
Étonnamment mature, Paranorman fait malgré tout preuve d’une bonne dose d’humour emprunté au loufoque et aux dessins animés crétins, tout en distillant un propos que certains pourront considérer comme moralisateur, mais qui se révèle d’une lucidité sur notre époque et notre attitude assez impressionnante. Encore plus évocateur Outre-Atlantique, le propos sur l’acceptation de de l’autre et le refus de succomber à la peur trouve ici une bien belle métaphore, un joli mais sombre écrin pour un propos universel. Doté d’un rythme mené tambour battant sans être saoulant, L’Etrange Pouvoir de Norman arrive à titiller tous nos sens et à faire passer de la compassion à la peur puis à l’émotion véritable presque sans effort. La bande-originale de Jon Brion si elle ne restera pas dans les annales soutient solidement les images et parfait cette alchimie de grande qualité. Ultra référencé et fidèle à l’intégrité artistique du studio, cette nouvelle pépite en stop motion est un véritable must-see aux allures d’oeuvres très 80′s, clairement rugueuse par son aspect peut-être un peu trop noir mais à ce niveau-là, ce n’est sans doute même plus une critique. Moins magique que Coraline mais tout aussi beau (surtout en 3D – très réussie), L’Etrange pouvoir de Norman sera à découvrir dès le 22 aout dans vos salles.
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