Feo Aladag, jeune actrice autrichienne, nous livre ici son premier film. S'attaquant au style combat de femme dans un milieu ethnique oriental, elle ne commence pas sa carrière de réalisatrice avec un sujet facile. Le traitement en est-il à la hauteur ?
Umay (Sibel Kekilli) vit en Turquie, avec Kemal (Ufuk Bayraktar), son mari, ainsi que leur jeune fils, Cem (Nizam Schiller) et sa belle famille. Kemal étant violent avec eux deux, et la famille ne réagissant pas, elle décidera de s'enfuir en Allemagne, chez ses parents. La situation déshonorant sa famille, ils la rejetteront, et elle devra s'en sortir par elle-même, tout en élevant de son fils.
Partant d'une idée quelque peu usée, mais somme tout intéressante, notamment pour son côté choc des cultures, on attendait beaucoup de cette production allemande qui a cumulé récompenses et nominations. Mais comme beaucoup de films dans ce cas, il arrive qu'ils ne soient récompensés et mis sur un piédestal qu'uniquement parce qu'ils regorgent d'arguments démagos et non parce qu'ils sont vraiment bons. Un film réalisé par une femme, qui parle de violences conjugales, d'une mère qui se bat pour son fils, qui plus est dans une communauté musulmane, des ingrédients qui font mouche à tous les coups.
Malheureusement, si la réalisation s'avère propre, la technique bien maîtrisée, et les acteurs parfaits et particulièrement bien choisis, le traitement se montre en revanche creux et sans véritable but, si ce n'est tenter de nous faire pleurer. Chaque scène est là pour vous tirer des larmes, à tel point que l'on a l'impression de sentir Madame Aladag à côté de nous, nous observant en attendant patiemment que l'on sanglote. Pas de bol, trop de mélodramatique tue le mélodramatique, à tel point que l'on se détache de cette mère et de son fils, le nombre d'embûches ne cessant de se multiplier façon Loi de Finagle et ne nous donnant aucun espoir quant à leur avenir. Si Love Story d'Arthur Hiller ou encore Breaking The Waves de Lars Von Trier se montraient larmoyants, c'est parce qu'ils le faisaient bien, et donnaient au final un côté vraiment plombant, or ici, n'en déplaise à certains, la dernière scène m'a fait éclater de rire, tellement on sentait Madame Aladag désespérée, sortant une artillerie lourde, clichée au possible, et voulant être sûre de nous faire éclater en sanglots, au cas où on ne l'aurait pas fait précédemment.
Bref, L'Etrangère n'est pas un beau combat de femme, ou alors celui de Feo Aladag, utilisant avec facilité d'éléments démagos afin de faire parler d'elle dans les médias et festivals. La mère qu'elle dépeint est idiote et irresponsable, cumulant les erreurs (emmener son gosse à une teuf, rester dans la même ville que sa famille, et s'exposer elle et son fils aux représailles de son frère violent) et autres provocations, toujours devant les yeux de son fils (en particulier lorsqu'elle retourne DEUX fois aux festivités du mariage de sa soeur, sachant pertinemment que son frangin va lui en mettre une). D'ailleurs il n'y a que très peu de moments joyeux dans le film, or pour faire partager la douleur de protagonistes il faut les voir un minimum heureux, car comme on dit « le miel n'est pas le miel sans le vinaigre ». Certes tout n'est pas à jeter, certaines scènes ayant leurs effets (celle de la bagarre du frère notamment) et Madame Aladag dirigeant ses acteurs à la perfection, mais l'on aurait aimé quelque chose de plus substantiel, surtout avec un sujet aussi difficile. N'est pas Debra Granik qui veut.
Pour conclure, les amateurs de films dont l'ambiance est larmoyante de A à Z devraient se montrer réceptifs, les autres quant à eux risquent de s'ennuyer, l'implication du spectateur étant bien trop mince, et ils auront tout aussi bien à faire que de se plonger dans Leonera ou Down To The Bone, dont le fond et la forme étaient bien mieux traités.
Mention spéciale pour Sibel Kekilli, sublime, et apportant beaucoup, mais qui aurait mérité un rôle plus profond, ne lui demandant pas de tirer la gueule ou pleurer constamment (merci pour l'épique giclée de morve).