Farce à Saucisses

Meat Is Meat, Mad Butcher ou Lo Strangolatore di Vienna est un film de 1971 produit entre l'Italie, l'Allemagne, et l'Autriche, le film est réalisé par Guido Zurli, modeste artisan italien qui n'a jamais vraiment connu le succès ou la notoriété. Même si le sujet s'y prête à merveille il ne faut pas aborder L’étrangleur de Vienne avec la perspective de voir un film d'horreur au risque d'être fortement déçu, en revanche au registre de la comédie macabre le film remplit parfaitement son contrat.

L’étrangleur de Vienne c'est l'histoire de Otto Lehman qui sort de l'asile dans lequel il est resté enfermé trois ans pour avoir frappé une cliente à coups de cuisse de veau pour lui apprendre à respecter la viande. Fier de son diplôme attestant qu'il n’est pas fou, Otto retourne à ses occupations professionnels et à sa boutique soucieux de redevenir le meilleur boucher de Vienne.

Dans le mesure ou L’étrangleur de Vienne va nous raconter l'histoire d'un boucher qui utilise les victimes de ses débordements colériques pour en faire de la chair à saucisse on était effectivement en droit d'espérer un film peut être un poil plus démonstratif dans l'horreur. Il n'en sera strictement rien et le film de Guido Zurli choisit de s'orienter vers une farce macabre douce amer qui revendique même de par son tournage en studio et ses personnages assez caricaturaux un aspect artificiel et décalé avec un univers parfois proche de la BD. Les personnages, servis par un excellent casting, possèdent tous des caractéristiques physiques très marqués à commencer par ce brave Otto interprété par Victor Buono avec son embonpoint, son élégance raffiné, sa calvitie et sa fine moustache et ses rouflaquettes. Autour de lui gravite de nombreux personnages tels que Karl (Luca Sportelli) son assistant, un petit gros à lunettes avec une face adipeuse et suintante, sa femme blonde, autoritaire et rigide interprétée par Karin Field, un petit flic fouineur et nerveux typique des comédies italiennes et une vieille rombière maquillée comme une voiture volet avec une énorme verrue poilue au coin des lèvres. De toute évidence Guido Zurli ne cherche jamais à s'approcher d'une forme de réalisme préférant nous offrir une fable noire et morbide dans laquelle il se moque de l'apparente tranquillité et respectabilité de l'Autriche présenté dès le générique par des images de cartes postales. Rythmé par une bande originale entre petite ritournelle à la Ennio Morricone et valse autrichienne, on suivra aussi un journaliste américain désespéré de voir qu'il ne se passe strictement rien de bien gratiné en Autriche (contrairement au voisin allemand) au point de devoir enquêter sur des affaires de chats écrasés et disparus. Quant à ce brave Otto il vendra ses saucisses avec une certaine délectation en s'amusant de sales blagues équivoques et misogyne sur la provenance de la viande du type «  Si quelqu'un veux ma femme bon appétit ou alors C'est la viande de truie viennoise » …

Même si le film est une comédie macabre il se suit aussi comme un bon petit thriller avec un peu de suspens, l'enjeu principal étant la voisine d'Otto qu'il observe avec gourmandise tel un voyeur tandis que de son côté le journaliste américain tente lui de la séduire. Une sorte de triangle amoureux un peu tordu dans lequel notre beau héros made in USA devra fatalement sauver sa belle avant qu'elle ne termine elle aussi en chair à saucisses.

L’étrangleur de Vienne est donc une délicieuse petite farce, bien rythmé, parfaitement interprété et joliment mise en images par Guido Zurli. Un petit film hautement sympathique et joyeusement morbide devant lequel on passe un bon moment.