Dans une scène d'ouverture désarçonnante, on se croirait chez Iosseliani ou Moretti. Puis démarre un thriller "à l'américaine" implacable doublé d'une étude des arcanes du pouvoir passionnante.
L'impression que laisse ce film est rare, très rare : celle de se trouver face à un film indispensable, une pièce manquante du cinéma français.
Pierre Schoeller ne laisse rien au hasard, c'est un laborieux : chaque plan est millimétré, chaque mouvement de caméra a une véritable nécessité , les dialogues brillants ne font jamais "les malins", la direction d'acteurs oblige chacun d'eux à se sublimer.
Le cinéma français tient avec cet "Exercice de l'État" son grand film politique, Scholler portant sur le pouvoir un regard froid, clinique, refusant tout manichéisme sans pour autant abandonner tout point de vue.
Ici on ne singe pas les hommes politiques, on les crée par le biais du pur cinéma, on les voit "dans leur jus". "L'Exercice de l'État" est pour ainsi dire une sorte d'anti-"Conquête" (1) et la comparaison est bien cruelle pour Durringer et son théâtre de marionnettes.,
On peut dire sans se tromper que Pierre Schoeller, trois ans après le bouleversant "Versailles" (2), a désormais sa place parmi les plus grands réalisateurs français.
NB : A noter qu'en préférant récompenser Michel Hazanavicius plutôt que Pierre Schoeller, l'Académie des César a pris le virage que tant réclamait depuis si longtemps, celui qui consiste à saluer le succès public au détriment d'un cinéma plus exigeant.
(1) http://www.senscritique.com/film/La_Conquete/critique/11204018
(2) http://www.senscritique.com/film/Versailles/critique/6814064