L'exercice de l'Etat. C'est le titre du film, mais c'est aussi très exactement son contenu.
Le film annonce très précisément ce qu'il est, et tient sa ligne de conduite de bout en bout. L'Etat est présenté ici comme une grande machine, qui vous possède, qui vous avale, et qui vous revomit. D'un côté, l'Etat vous rend tout petit face à sa grande machine, vous oblige à vous contorsionner pour obéir à des stratégies qui ne correspondent à aucun idéal, et vous éloigne de ce que vous êtes ou de ce que vous aimeriez vraiment être. D'un autre côté, l'Etat vous transcende, exacerbe les enjeux, et est en lutte constante avec votre désir de rester humain. Dans l'Exercice de l'Etat, vous pouvez apprendre lorsque vous chiez (autrement dit, au moment où vous êtes certainement le plus en phase avec vous-même) que vous allez devenir quelqu'un d'autre (ministre du travail). Le film s'amuse sans cesse de ce besoin qu'a l'homme politique de courir après qui il est tout en faisant des choix qui ne correspondent pas forcément à ses idéaux. Cette dichotomie est analysée à merveille non seulement par l'histoire, mais aussi par la réalisation, qui fourmille d'idées opposant sans cesse l'homme du quotidien (symbolisé par le chauffeur du ministre) à l'homme d'Etat.
Le film est au final complexe, et vu son sujet, cela aurait été un défaut qu'il ne le soit pas. Chacun pourra se faire sa propre opinion de ce que sont ces hommes qui foncent tout nus dans la gueule du crocodile, dédient leur vie à un rôle, et incarnent l'Etat tout en étant à sa merci.