Une oeuvre immense, non pas tant pour son statut de film d'horreur (que réfutent d'ailleurs ses créateurs) ou pour le débat un peu con-con "fait peur/fait pas peur", que pour sa richesse thématique, sa profondeur, ses acteurs tous extraordinaires de justesse, quand bien même ils auront tous réellement souffert sur le tournage pour aboutir à ce résultat.
Un film majeur pour ce qu'il dit sur la folie, la dégénérescence d'un être cher, le mal au coeur du noyau familial, la culpabilité, l'impuissance face à la maladie et à la mort (le parallèle entre la mort de la mère de Karras et la possession de la petite Regan).
Un film essentiel pour le doute qu'il maintient et sème en permanence, même dans ses scènes les plus démonstratrices, pour la façon totalement anti-bondieusarde avec laquelle il aborde les rites, la religion, la foi.
Il faut bien sûr ignorer la pitoyable version de 2001 et ses apparitions de démon sur des hottes de cuisine, ses explications de texte inutiles, ses incrustations numériques minables, et sa fin gentiment neuneu, là où celle de l'originale insiste sur l'ambiguïté, encore et toujours.
Et puis l'Exorciste c'est une mise en scène d'une magnifique sécheresse, brute, puissante, au montage carré et sans fioritures. Le (très) lent zoom sur Chris MacNeil pendant son dialogue avec l'inspecteur Kinderman alors qu'elle est en train de réaliser l'indicible, la maestria des scènes intimistes (capitale dans sa construction de l'empathie que l'on ressent progressivement pour les personnages), les long plans caméras à l'épaule à une époque où le Steadycam n'existait pas encore, le mode quasi temps réel de la séquence de l'exorcisme, avec ses incantations répétées, encore, et encore.
Un chef-d'oeuvre absolu, bien plus intelligent et fin que le simple "horror flick" choquant pour lequel on continue d'ailleurs de le faire passer, tiré d'un bouquin au passage tout aussi génial et flippant.