Il y a des films qui ont à la fois, l'avantage de donner ses lettres de noblesses à un genre cinématographique et de laisser une trace indélébile dans l'Histoire du cinéma. C'est précisément ce qu'à fait L'Exorciste de William Friedkin. Que ce soit par son tournage chaotique, son réalisateur incontrôlable, son sujet, son maquillage légendaire, sa technique ou encore une technique irréprochable qui rappelle que pour faire peur au cinéma, la mise en scène est ce qu'il y a de plus puissant et surtout de plus terrifiant.
L'exploit est d'autant plus impressionnant car le scénario est digne des histoires d'horreur que l'on se raconte en colonie de vacances: La fille de l'actrice Chris McNeil (Ellen Burstyn) est de plus en plus inquiète devant le comportement de sa fille Reagan, pourtant adorable. Alors que l'attitude de la fillette pré-pubère se rapproche de plus en plus de la possession que du désordre mentale et que la médecine est impuissante, Chris décide de faire appel à l'Eglise dans le but de pratiquer un exorcisme..
Certes me direz-vous, le film a vieillit. Vous me direz également que la quasi-intégralité de la population est désormais insensible à la violence depuis que l'on mange sa tartine de Nutella devant BFM TV. Qu'il est impossible d'avoir peur lorsque vous regardez un film d'horreur lorsque vous êtes avec des amis casses-couilles qui, ne voulant pas avoir peur, balancent des vannes d'une nullité déconcertante et vous squizze toute l'ambiance du film.
Et pourtant, il n'est pas nécéssaire d'être forcément croyant pour vous taper un énorme flippe devant ce film célébrement surnommé comme "le plus terrifiant de tous les temps". Car oui, les gros plans sur cette petite fille possédée vont vous faire tourner la tête. Oui vous allez ouvrir la bouche et avoir des yeux de poissons lorsque cette dernière se fourre un crucifix là ou vous pensez. Et oui cette ambiance sombre, glauque, violemment calme va vous empêcher de dormir. On s'arrêtera là pour éviter de franchir la frontière du spoil..
En dehors de son aspect horrifique L'Exorciste se démarque des films d'horreurs dit traditionnels en en disant plus qu'il n'y paraît. Notamment par le fait d'évoquer ce mystère de la Foi qui nous tenaille tous. Un sujet caractérisé par le personnage du Père Karras (Jason Miller) qui semble se détourner de Dieu depuis la perte de sa mère mais aussi par cette scène au premier abord anodine. Ce prêtre qui en plaçant des couronnes de fleurs dans une église qui s'incline devant une statue de Jésus mais pas devant celle de la Vierge.
Outre cela, c'est aussi le combat, et surtout de l'impuissance d'une mère pour sauver sa fille qui est au coeur de ce film. Lorsque Reagan demande à sa mère "ce qui lui arrive", celle-ci ne sait pas quoi lui répondre et son visage en dit plus que n'importe quel discours: ce qui désespère Chris n'est pas que sa fille soit en train de devenir un suppôt de Satan (bon c'est vrai ça doit bien aidé quand même), c'est surtout le fait de ne pas savoir de quoi elle peut bien souffrir et de ne rien y pouvoir. Après tout que peut-il y avoir de pire que de regarder son enfant dévasté par la maladie et de ne rien pouvoir faire ?
Voilà bientôt 45 ans que ce film fascine. Une fascination et un succès inter-générationnel qui a entrainé une kyrielle de films plus mauvais les uns que les autres. Aujourd'hui les réalisateurs s'éclatent à grimer leurs acteurs en monstres et de leur distribuer des dialogues digne d'un enfant de 8 ans tout fier de dire des gros mots (Le Dernier Exorcisme pour ne citer que lui).
Bref, il serait partial d'affirmer que L'Exorciste est un chef d'oeuvre du genre et de l'Histoire du cinéma, mais désolé, c'est le cas.