Critiquer le snobisme et la pédanterie a cela d'extraordinaire que vous ne pourrez jamais pousser le bouchon trop loin. Aussi puissante ou grossière que pourra être votre caricature, le trait ne sera jamais assez appuyé pour circonscrire une réalité fascinante.
Les gros sabots ne sont évidemment pas le parti de Leo McCarey. Au contraire, ce spécialiste multi-genres, comme il en existait de si merveilleux à l'époque, préfère souligner salutairement (car on ne le fera jamais assez) ce poison inusable que sont les apparences, virus incurable coulant dans les veines de toutes les sociétés, au système immunitaire perpétuellement déficient.
Un joyeux parti pris qui invite à ce que tous les repères se renversent. Une terre d'esclavage se transforme en pays d'opportunités. Un lord anglais (accessoirement alcoolique, joueur et débonnaire) n'attend que l'amour pour rejeter toutes les conventions et rejoindre un jardin par la fenêtre pour échapper à un diner mondain assommant. Un mari fortuné ne peut se résoudre à regarder son majordome gagné au poker autrement qu'à hauteur d'homme. Ce même valet ne trouvant le chemin de l'émancipation que grâce à son amour d'une zone ordinairement (à l'époque !) réservé aux femmes: la cuisine.
Restent les indécrottables purs et durs, ceux que rien ou presque ne pourra sauver du ridicule: les nouveaux riches, les parvenus chez qui la position sociale n'est pas une éventuelle conséquence naturelle ou inévitable, mais un but prévalant toute chose.
Comme tous ces films remplis jusqu'à la gueule d'humanité, quand l'amour du réalisateur pour ses personnages transpire à chaque plan, le final n'est constitué que de longues secondes de bonheur sur pellicule, et on se demande bien, devant tant de simplicité et d'évidence, comment après ça on a bien pu faire autant de mauvais films.