Sous le regard glacé d’un père, s’étiole la beauté d’une fille. Cruel inventaire de l'héritage dans les fêlures d’un noir roman familial.
Magnifique, émouvant, terrible aussi. Un chef d’œuvre de cinéma. Les cadrages, la lumière, la mise en scène avec ces plans-séquences, ces gros plans et jeux d’ombres permises par ce noir et blanc si esthétiques. Un film noir dont la trame psychologique est fouillée. Roman familial d'une noirceur qui fait de ce film un drame œdipien très particulier. Dans cette triangulation, on voit comment le regard d’un père méprisant, peut détruire la féminité de sa fille. Dans cette rencontre père/ fille ratée, plane sans cesse le spectre d’une mère idéalisée, inaccessible image d’identification. le père assigne à sa fille une place impossible ; aux exigences morales et contingences sociales de l’époque, se rajoute l’emprise de l’image de la mère, son opposé, à laquelle il la compare sans cesse C’est ce fantôme entre eux qui empêche ce père d’aimer sa fille, de la trouver belle, désirable pour un autre homme. Elle ne peut quitter le monde clos où elle est enfermée, trouver un monde/ un homme à sa mesure car pour grandir, il faut affronter les amours œdipiennes et s’en détacher. Quand le regard du père nécessaire à toute fille, se fait trop plein, trop direct, trop explicite ou ici trop humiliant, méprisant, il rend les choses impossibles.Ce ne pourra être que dans la déchirure , la rupture violente, que cette fille, tiraillée entre 2 hommes va enfin s’affirmer en tant que femme; devenir plus forte, plus dure et indépendante , mais à quel prix, puisqu’elle perd tout. Montgomery Clift, joue un personnage complexe dont on ne sait pas vraiment s’il a réellement aimé Catherine ou s'il est un coureur de dot qui a joué le rôle d’un amoureux . La dernière scène est absolument magnifique, d’une émotion incroyable ; tout se joue dans les gestes et dans le regard de Catherine quand derrière la porte son fiancé la supplie. Elle semble lutter contre elle-même, lutter contre son amour. Puis elle se lève, prend la lampe et monte l’escalier assumant enfin une la décision laissant son fiancé pleurer dans sa solitude. Le film se clôt sur deux solitudes.