L'Hermine par pierrick_D_

Michel Racine,président réputé très sévère de la Cour d'Assises de Saint-Omer,s'apprête à diriger un procès sordide où va être jugé un type accusé d'avoir tué sa petite fille,encore bébé.Alors qu'il est en train de se séparer de sa femme,il a la surprise de voir arriver parmi les jurés Ditte Lorensen,femme médecin d'origine danoise avec qui il a eu une histoire quelques années auparavant.Le réalisateur et scénariste Christian Vincent retrouve ici Fabrice Luchini,l'acteur vedette de son premier long "La discrète",datant de 90 et avec qui il n'avait plus tourné depuis.On connait ce cinéaste,qui n'est ni très dynamique ni adepte des mouvements d'appareils alambiqués,et de fait "L'hermine" est platement shooté et affiche une facture de téléfilm tristounet.Mais ce n'est pas très gênant dans la mesure où le film s'applique à donner une impression quasiment documentaire à travers la description de la grisaille d'une petite ville du Nord,enfin on dit les Hauts-de-France maintenant,c'est parait-il moins péjoratif,et surtout du fonctionnement réel d'un tribunal vu de l'intérieur.Tout est montré avec minutie,le décorum et les rites immuables de la Justice marqués par les robes des magistrats,l'hermine du juge,le cérémonial des bancs de l'accusation et de la défense,des témoins à la barre,le choix du jury avec ses récusations et les coulisses avec le bureau du juge ou la salle de délibération.La fille de Ditte dira qu'elle voit ça comme un théâtre,et c'est vrai qu'il y a de ça sauf que ce spectacle décide in fine du sort bien réel des mis en cause.Mais tout ce côté vériste est bien évidemment soutenu par un aspect fictionnel qui repose sur plusieurs points.Il y a la renaissance de l'amourette entre Racine et Ditte,le juge semblant plus préoccupé de draguer sa jurée que de présider les débats,et bien sûr le suspense concernant l'affaire jugée et le résultat final des audiences.L'ensemble est épicé de diversions à propos des relations entre jurés ou de la vie privée de Michel ou Ditte,tout ceci entraînant des digressions souvent amusantes sans tomber dans le comique.Vincent parvient à capter l'essence d'un vrai procès,bien éloignée des tribunaux de cinéma habituels.D'ordinaire,c'est plein d'effets de manches,de réponses précises et de diatribes brillantes,mais là on est dans la vie réelle des gens authentiques,en l'occurrence des prolétaires ch'timis pas forcément très malins et des hommes et femmes de Loi pas aussi affûtés que dans les films ou séries traditionnels.L'accusé refuse carrément de s'exprimer,sa compagne n'est guère plus bavarde,l'avocat de la défense est peu motivé et se tire de la salle sans arrêt pour téléphoner,les cas sociaux défilent à la barre,ça parle trop bas,c'est intimidé ou ça fanfaronne,ça répond à côté des questions,les déclarations sont gravement imprécises et la conduite des débats bien compliquée à gérer pour un président déjà distrait par d'autres problèmes.Cette ambiance vériste,la diversité des personnages et la qualité des dialogues font le sel et le charme de ce drame judiciaire toutefois handicapé par de sérieuses lacunes scénaristiques.En effet l'auteur a choisi d'évoluer dans une sorte de flou peu artistique et de laisser dans l'ombre bien des points,ce qui relève d'une certaine facilité.On ne saura ainsi jamais ce qui est réellement arrivé à la pauvre petite,et la nature exacte des relations passées entre Michel et Ditte n'est pas non plus explicitée,pas plus que les rapports entre Racine et sa femme qui restent brumeux.Heureusement que l'oeuvre est portée par le génie de Luchini qui,dans un rôle approchant celui qu'il tient dans "La fille de Monaco",est épatant en grand orateur plus sensible que son air rébarbatif ne le laisse supposer.Il entraîne dans son sillage un beau casting de gueules de chtis déjetés et des seconds couteaux de talent,à commencer par la belle danoise Sidse Babett Knudsen,la révélation de la série "Borgen",qui mène une jolie carrière internationale et dont la finesse de jeu transparait à l'écran.La jeune Eva Lallier,qui incarne sa fille,est une nature étonnante,et Victor Pontecorvo,un acteur qui a squatté à peu près toutes les séries françaises le temps d'un épisode,a la tronche de psychopathe adéquate pour personnifier l'accusé.Des valeurs sûres sont de la partie,Corinne Masiero en jurée grande gueule,Michaël Abiteboul en défenseur désinvolte,la rohmerienne Marie Rivière en ex de Racine et Raphaël Ferret,le flic informaticien surdoué dans "Profilage",qui est là un policier nettement moins assuré.Il est un familier du Pas-de-Calais et des tribunaux vu qu'il interprétait en 2011 le juge Burgaud dans "Présumé coupable",qui traitait de l'affaire d'Outreau.La musique est composée par Claire Denamur,qui chante également et fort bien les titres qu'elle a écrits,mais le principal a des accords qui rappellent un peu trop "Summertime".