Il en va de ces films où, sans que l'on sache vraiment pourquoi, l'on en sort avec une banane jusqu'aux oreilles et les yeux embués par les larmes.
Il en va de ces petites merveilles de cinéma qui donne à nos vies un sens soudain, révélé au grand jour par une mise en scène lumineuse et délicate.
Ces films qui donnent une raison, un sens éclatant à l'acte quasi machinal, à l'impératif autonome qu'on s'est administré ; celui d'aller au cinéma.


L'Hermine est cette petite merveille où, dans une indécision permanente, l'on ne sait que penser, où l'on n'est que réception.
Indécision du style qui propose autant une petite comédie amoureuse bien jeune et française, qu'un quasi documentaire sur les arcanes de la Justice.
Par son aspect didactique, le film nous prend a parti sans pourtant nous demander notre avis ; identifié aux jurés, le spectateur se laisse embarquer dans cet étrange théâtre, où se joue sur la scène une sibylline catharsis, où explosent mensonges et émotions. Sans jamais de vérité.
Car comme le rappelle magnifiquement le président Racine, dramaturge judiciaire, chef d'orchestre troublé ; jamais l'on ne saura la vérité.
Et pourtant elle semble briller dans ce film, si vrai, si honnête qu'il déroute. Moquerie ? Superficialité ? Gravité ?
Non. Pure et simple justesse.
Oscillation permanente, avec pour seul pont, seul gond, le téléphone, réceptacle sacré à de pudiques textos.
On chavire dans l'amour. On chavire dans le charme. Inavoué mais évident. Simple mais pourtant si complexe.
C'est ici que les talent se dévoilent. Celui si précieux de Fabrice Luchini, qui livre une prestation si humaine qu'elle en devient masochiste (la si drôle scène où, dans un bar, Luchini reprend le pouvoir sur Racine et tente de partager un poème avec la fille de sa tendre ; réponse par l'ignorance. Luchini est rappelé à son devoir, ramené à Racine). Celui si rare et charmant de Sidse Babett Knudsen, d'une classe folle, qui fait tourner la tête et renvoie à une image étonnement maternelle. Plongés dans des scènes si inutilement belles, si gratuites et douces, inefficientes dans l'intrigue mais profondes pour les personnages, les personnages prennent vie. "Prennent vérité".
Mais talent d'une mise en scène surtout, au service d'une intrigue double, sans début ni fin, son but ni postulat. Mise en scène à l'économie de moyen salutaire, se détachant d'une stylisation qui la perdrait, se cachant derrière de pudiques travellings, ne disant jamais son nom et restant dans le voilé. Dans l'indécision.


L'Hermine est une perle rare, une rareté chère, un miracle de cinéma, qui redonne foi.
L'Hermine c'est l'efficience d'un charme.

Charles_Dubois
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le 29 nov. 2015

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Charles Dubois

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