Un Récit éternel
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le 17 août 2012
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" Au commencement, il fait toujours sombre "
- L'impératrice.
Le livre est une œuvre de génie. Brouillant les conventions narratives pour immerger le lecteur dans la fiction comme jamais, Michael Ende s'autorise à parler philosophie, pouvoir et imagination...
Wolfgang Petersen n'en adaptera que la première moitié, faute de moyens et de temps ( Ce qui conduira l'écrivain à renier le film et demander à ce que son nom ne figure pas au générique de début )
Le film est aux côté de son contemporain Dark Crystal, une des meilleurs tentatives d'amener la philosophie à la portée d'un enfant.
Aujourd'hui, il a quand même pris des rides surtout au niveau des décors et des effets optiques ( qui nécessitaient un découpage particulier vu que les plans à effets spéciaux devaient être complètement fixes... ). Mais son côté hybride, une fresque friquée estampillée Warner Bros. avec une dégaine de film indépendant Européen me le rendent plus important aujourd'hui que d'autres films de la même époque que j'ai pu voir en salle, comme Les Gremlins, Les Goonies ou les Ghost Busters ( sans dénigrer Joe Dante, que je salue au passage )
De plus, la photo lugubre du génial Jost Vacano est toujours aussi belle, et Giorgio Moroder signe ici sa seule et unique participation correcte au monde de la musique !
Le premier tiers présente l'action et les personnages : Bastien se réfugie dans le grenier de son école pour lire un curieux livre aux prétendus pouvoirs magiques. Ce livre raconte l'histoire d'Atreju, jeune guerrier intrépide qu'on charge de parcourir le pays de Fantasia à la recherche d'un remède pour l'Impératrice, victime d'un mal incurable qui semble être associé à un phénomène étrange : le Néant, qui détruit le pays parcelle après parcelle. Au même moment, un personnage présenté comme une figure du mal, Gmork, commence lui aussi son périple à la recherche d'Atreju.
Celui-ci chemine avec Artax, son fidèle cheval, par monts et par vaux.
C'est à ce moment là qu'arrive la scène la plus insoutenable de la galaxie : Artax succombe à la tristesse des marrais de la mélancolie, et meurt noyé. Encore aujourd'hui, la scène me paralyse de chagrin !
Ensuite, Atreju va suivre sa quête comme dans n'importe quel RPG : en allant de personne en personne.
Il rencontre Morla l'Ancienne, une tortue schizophrène complètement nihiliste, puis Falkor l'éternel optimiste dragon de la chance, ainsi que des gnomes scientifiques. Sans s'opposer à aucune de leurs valeurs, Atreju va prendre ce qu'il y a de bon à prendre chez chacun d'eux. Jusqu'à atteindre l'Oracle du Sud qui lui annonce que l'Impératrice a besoin d'un nouveau nom, donné par un humain hors de Fantasia... Comment le trouver ?
C'est l'enjeu du dernier tiers du film.
Séparé de Falkor en ayant tenté de trouver la frontière de Fantasia, Atreju rencontre le grand mangeur de pierres qui pleure la disparition de ses amis ( deuxième scène absolument lacrymale du film ) puis fait face au Gmork, qui est la scène qui rend le film complètement original, y compris par rapport au livre : comme la deuxième partie du livre n'est pas dans le film, on n'est jamais confronté à la méchante de l'histoire, qui voulait ensevelir Fantasia dans le Néant puis duper Bastien pour obtenir ses souvenirs...
Du coup, dans le film, le Gmork admet travailler pour " un pouvoir derrière le Néant " mais n'est finalement qu'un serviteur, et prive l'aventure d'une véritable figure du mal.
Dans le film, le Néant est tout simplement dû aux humains qui cessent de rêver, et qui perdent espoir. C'est ça qui est le mal absolu. Pas un grand gaillard avec un masque blanc et un couteau. Pas une grosse boule venue de l'espace. Pas le Diable ou je ne sais quel artifice frontal que tout le monde peut faire.
Gmork ajoute : " Ceux qui n'ont pas d'espoirs sont faciles à contrôler. Et celui qui contrôle, a le pouvoir ! "
Cette notion est aussi bien valable dans Fantasia que chez nous les lecteurs-spectateurs.
Je trouve cette mise-en-garde prégnante et toujours d'actualité.
Atreju tue Gmork en combat singulier après avoir héroiquement dévoilé son identité, et s'en va trouver l'Impératrice pour lui annoncer son echec : il n'a pas trouvé d'humain pour lui trouver un nom. Elle lui annonce que si. Qu'un enfant de la terre était avec lui tout le long, et qu'il est même là tout près, et entend tout. Plongé dans des abîmes de perplexités, Bastien refuse d'abord ce constat. Mais Wolfgang a savamment dosé diverses intrusions de Bastien dans la fiction. Parvenant a exprimer en image une des données du livre avec brio.
Dans le livre, Bastien entre dans Fantasia et après quelques chapitres s'en va trouver un vieil homme sur une montagne qui est en train d'écrire L'Histoire sans Fin. Or les premiers mots du livre sont ceux du livre qu'on a dans les mains, avec l'arrivée de Bastien dans la librairie alors qu'il était poursuivi par des garnements.
Pas le livre que Bastien a commencé à lire, avec la réunion des animaux.
Dans le film, Quand on découvre Morla, Bastien crie de frayeur et ça semble déranger les personnages fictifs pour un court instant. Plus tard, devant la deuxième porte qui mène à l'Oracle du Sud, qui est supposée confronter le personnage fictif à son "véritable lui-même", Atreju voit Bastien en train de lire le livre ! Et juste avant de rencontrer Gmork, il y a une scène super belle, où Atreju parcoure une cité en ruines avec des fresques représentant son aventure sur les murs... La dernière fresque est celle de Gmork caché dans son trou, juste avant qu'il ne le découvre pour de vrai.
Le caractère fictif de la narration est donc sans équivoque pour nous, mais pas pour Bastien... Alors l'Impératrice enchaîne : il y a même d'autres gens ( Moi, vous... ) qui suivent l'aventure de Bastien ! Pour finir de le convaincre, elle brise le quatrième mur et s'adresse à la caméra : Bastien et nous-mêmes devons la sauver !
Alors il crie son nouveau nom par la fenêtre, et entreprend de rebâtir le monde de Fantasia à partir d'un grain de sable, avec ses propres vœux. Bastien va d'abord restaurer Fantasia tel qu'on le connaissait avant l'arrivée du Néant.
Puis, pour clore le film de façon plus nette ( puisqu'il ne peut pas traiter la deuxième partie ) Wolfgang Petersen va faire en sorte que Bastien pénètre dans le vrai monde avec Falkor pour se venger des méchants garnements du début...
Une fin légèrement à l'emporte-pièce, mais satisfaisante pour n'importe quel enfant.
On peut regretter qu'une suite digne de ce nom n'ait été donnée à ce prestigieux film ( le 2 est une purge totale, et le 3, une entreprise de récupération nauséeuse des personnages laissés de côté dans le livre - un peu comme Jurassic Park 3 en son temps ) mais il reste une des expériences cinématographiques les plus importantes de ma vie.
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Créée
le 1 oct. 2011
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