Un Récit éternel
À une époque où le genre de l’heroic fantasy connaît une popularité sans précédent, il ne paraît pas incongru de rappeler qu’il n’entretient avec les légendes traditionnelles qu’un rapport en fin de...
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le 17 août 2012
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Revoir L’Histoire sans fin au moins deux décennies après n’a pas été sans émotions. Sans aucun souvenir ou presque du ou des visionnages, avec la certitude presque complète de ne pas avoir possédé la VHS, ce contact enfant avec le film me semble terriblement loin. Et pourtant j’avais conservé quelques scènes un peu en vrac dans ma mémoire, tandis que le revoir a dépoussiéré d’autres qui n’étaient pas si enfouies.
Car L’Histoire sans fin est un film marquant, dont les idées et les thèmes sont nombreux, contribuant à créer un imaginaire qui pourrait survivre à tant d’autres décennies. A un tel point que cette critique dévoile la fin, prenez garde.
Adaptant un roman allemand de fantasy écrit par Michael Ende et sorti en 1979, le film est une grande coproduction germano-américaine, créant toute une franchise aux nombreux dérivés, dont la consécration en tant que référence toujours vivante au sein de la culture populaire fut sa reprise de la mythique chanson The NeverEnding Story dans Stranger Things.
Tout commence normalement, du moins comme beaucoup d’autres films familiaux, avec la découverte du jeune Bastien, dont il est vite annoncé les difficultés : sa mère est disparue, son père lui demande de se concentrer, il a des difficultés à l’école et des petits voyous en culotte courte le martyrisent. L’arrivée inopinée dans une libraire tenue par un monsieur un peu désagréable avant de s'adoucir va changer le cours des choses. Repartant avec un mystérieux livre rempli d’aventures, il va se mettre à le lire, de plus en plus passionnément.
L’histoire qu’elle contient se déroule dans le monde de Fantasia. Différents peuples se réunissent vers la tour de l’impératrice pour lui demander de l’aide. Car le royaume est grignoté par le Néant, faisant disparaitre contrées et peuples, implacablement. La jeune impératrice ne peut rien faire, elle est malade. Mais elle sait que le salut viendra d’Atreyu, il est déterminé, c’est un guerrier, mais ce n’est qu’un enfant. Sa quête est fragile, son issue probablement désespérée. Mais le fantastique monde de Fantasia a besoin de ce dernier mince espoir pour ne pas disparaitre.
L’Histoire sans fin est régulièrement cité parmi les films pour enfants qui ne les prennent pas pour des idiots. Il ne le doit pas qu’à ses péripéties, où les quelques coups de main proposés par des personnages hauts en couleurs cotoieront des moments bien plus durs, où Atrayou devra faire quelques sacrifices et autres résignations forcées. Le ton est assez sombre, désespéré, c’est à la fin d’un monde qu’on assiste, et les responsabilités qui pèsent sur Atrayou sont lourdes. On y décèle une sensibilité assez européenne, avec un certain fatalisme hérité des contes de fées, où l’imaginaire du monde qui émerveille se confronte à l’amertume de le voir disparaitre.
Face à cette situation difficile, Atrayou est le héros habituel, l’élu à qui on en demande beaucoup, certainement trop, mais qui n’a pas le choix, les enjeux sont trop importants. S’il part dans sa quête vaillant et déterminé malgré son jeune âge, sa personnalité va bien vite s’éroder. Il continuera malgré tout, mais avec de plus en plus la crainte de ne pas être à la hauteur.
Le film prend ainsi avec lui la question de la confiance en soi, d’autant plus que Bastien et Atrayou s’ils ont le même âge n’ont pas la même personnalité. Bastien n’a pas cette confiance qu’Atrayou a en lui au début de l’aventure, mais progressivement la bascule va se faire.
Car le film révèle alors que le jeune garçon n’est pas un simple lecteur, il est aussi un des membres de l’histoire, et il pourra être le héros s’il en a la volonté et la détermination. Habituellement, la plupart des films utilisant cette figure du jeune garçon lisant une histoire se révèlent décevants, les retours à la réalité fragilisant la création fictionnelle. Mais dans L’Histoire sans fin, ce n’est pas seulement utilisé pour que le jeune garçon prenne confiance en lui.
En brouillant les frontières entre le réel et l’histoire, ce n’est pas seulement le fantasme de tout enfant qui se matérialise, celui de s’immerger dans un univers fictionnel et d’en être un acteur. Mais l’Histoire sans fin rappelle le pouvoir de l’imaginaire, et en même temps de sa fragilité. Le Néant est vague et symbolique mais ce qu’il menace est clair, la possibilité de rêver, de rencontrer d’autres mondes, d’apprendre, de rire ou de pleurer. Il faut le défendre, car ce qu’il nous offre nous construit et nous aide à vivre.
Pour appuyer les propos de l’auteur Ende, le réalisateur Wolfgang Petersen peut compter sur une production ambitieuse, au plus grand budget pour un film européen à cette époque et qui n’a pas eu peur de reconstruire un monde imaginaire, avec décors reconstruits, créatures en latex et autres matériaux, mécanisées ou en costume, et bien sur de très nombreux trucages pour faire coexister le tout. Les forêts mystiques, les décors enroulés et une certaine photographie dans les ocres sales rappelleront les illustrations d’Arthur Rackham, mais aussi d’autres grands noms d’artistes.
Certains effets spéciaux se voient, et la figure du loup n’est plus si effrayante que dans mon souvenir, mais dans l’ensemble il y a une véritable volonté d’émerveiller qui apaise bien des déceptions. Certains plans sont magnifiques, d’autres paysages sont merveilleux. La musique (pour la version hors Allemagne) de Klaus Doldinger et de Giorgio Moroder y est pour beaucoup. Le thème principal est un appel à l’aventure, la chanson titre un écho à l’accomplissement personnel de ses héros.
Les acteurs sont d’ailleurs assez épatants, le trio de tête juvénile pouvant rendre des comptes à bien d’autres films mettant en vedette des enfants. Noah Hathaway et Tami Stronach dans les rôles d’Atrayou ou de l’impératrice ont ainsi une détermination faillible, une grande sensibilité. Les émotions qu’ils véhiculent n’en sont que plus fortes.
On pourra tout de même reprocher au film qu’on le sent un peu à l’étroit dans ses 94 minutes, bien qu’il n’adapte que la première moitié du roman. Le film avance vite, parfois trop vite pour les besoins de son histoire. Certes, il s’agit de la fin d’un monde qui semble inexorable, mais certains points sont trop rapidement abordés. Les difficultés de Bastien sont regroupées en vrac dans les premières minutes. La perte d’un être cher, qui aura marqué bien des esprits juvéniles, un traumatisme que je n’avais jamais oublié, semble arriver trop vite dans l’histoire, sans avoir eu le temps de s’y attacher. De même, certaines scènes apparaissent hachées, la faute à un montage qui ne s’éternise pas, concluant un passage rapidement pour aborder plus vite la prochaine péripétie.
L’intelligence du fonds et les moyens de sa forme, L’Histoire sans fin est un film fantastique, à bien des niveaux, qui émerveille, nous transporte mais en même temps nous enrichit. S’il peut être jugé sur ses atours qui ont pu avoir vieilli, son visionnage est une belle leçon, où les thématiques vont et viennent entre réalité et fiction. Et pas seulement entre le monde du film et de Bastien et celui de Fantasia, mais bien aussi avec le notre. C’est toute la force d’un film original et unique, à la personnalité rare.
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Créée
le 15 août 2023
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