Quotient James Bondien: 5,92
(décomposé comme suit:)
BO: 5/10
La bande originale la plus paresseuse de son auteur à date. John Barry revient aux commandes après l'intermède George Martin, et ne dispose que de trois semaines pour composer ses parties. Moralité, il adapte sa chanson-titre de 5 ou 6 manières différentes et entremêle ces différentes variations avec une réadaptation classique de thèmes de la série. De son propre aveu, le moins bon boulot fourni sur l'ensemble de ses 12 collaborations avec James Bond.
Titre générique: 5/10
Le même John Barry travaille d'habitude sur deux ou trois possibilités de singles, pour éventuellement recycler les thèmes non retenus dans la BO ou pour le générique de fin. Ce n'est pas le cas ici, puisque, pressé par le temps, il ne propose qu'un seul titre. Celui-là même qu'il essore jusqu'à la corde dans le reste de ses partitions. Et, pas de bol (ou alors au contraire: sans hasard) il est assez moyen, à mille lieues de ses magnificences passées.
Séquence pré-générique: 6/10
Une des trois séquences ou James n'apparait pas… en chair et en os, mais en cire. (Dans Bons baisers de Russie, c'est un agent masqué, et dans le précédent Vivre et laisser mourir, il n'est pas présent du tout). La scène pose le cadre dans lequel vit Scaramanga et annonce le duel final. C'est à la fois original (dans l’esprit de la franchise) et assez bien trouvé. Sans être complètement fou.
Générique: 4/10
Non seulement Maurice Binder semble une nouvelle fois un peu à court d’idée, mais cette fois ça plonge une sorte de facilité légèrement racoleuse. Des petits nénuphars en guide cache-sexe ne parviennent pas à dissimuler un manque flagrant d’inspiration.
James Bond Girls: 7/10
Le duo d’actrices suédoises (dont Roger Moore, dans une note de service de plateau informelle, affectueuse et humoristique, rappelle qu’elles "ne doivent pas lui voler la vedette") composé de la femme captive du bad guy et de l’agente de liaison un peu nunuche mais charmante, incarne tout ce que l'imaginaire de la James Bond girl véhicule, une sorte d'archétype sympathique et inoffensif. Heureusement pour elle en tout cas, Maud Adams aura une deuxième chance quelques années plus tard.
Méchant(s): 8/10
Quel dommage que Christopher Lee n’ait pas pu bénéficier d’un personnage mieux écrit ou intervenant dans un film plus important de la série. Quelque chose de plus en rapport avec le compte Dooku ou surtout Saroumane. Parce que l’acteur, on le voit bien, s’amuse comme un petit fou sur le tournage d’un Bond, pour un tas de raisons qu’on peut comprendre: enfin sortir des productions de la Hamer, rejoindre une franchise très rentable avec une dimension familiale (voir la section pré-production), et jouer avec un ancien camarade de chambrée (Moore). Les rares scènes où il a un texte intéressant à dire (comme lors du repas qu’il offre à Bond) sont excellentes. Enfin et surtout, le duo qu’il forme avec Nick Nack (Hervé Villechaize) est iconique en diable.
Cascades: 7/10
La grande dilapidation du potentiel du film peut être résumé par sa grande cascade. La vrille réalisée avec l’AMC Hornet est une petite merveille de préparation (mise au point sur ordinateur, ce qui était une première à l’époque) et d’exécution (une seule prise fut nécessaire), et aurait pu être un petit sommet de tension spectaculaire, mais se transforme en gag éculé et symptomatique des dérives de la saga, à cause d’un habillage sonore ridicule que Barry regrettera très rapidement, et que Broccoli laissa malheureusement passer.
Scénar: 5/10
Les conditions de préparation du film expliquent beaucoup des failles du script. Tom Mankiewicz qui enchaine son troisième Bond d’affilée commence à se sentir à sec d’inspiration, au point que Cubby Broccoli rappelle Richard Maibaum, scénariste historique de la série… avant que Mankiewicz ne réécrive à son tour une partie des corrections de Maibaum ! Au niveau de la production, les errements sont du même calibre: Broccoli est le producteur le plus actif sur le film (comme c’était prévu, et après que Saltzman l’ait été sur Vivre et laisse mourir) mais la communication entre les deux devient erratique et difficile, et provoque des malentendus significatifs (l’affaire des chaussons pour éléphants est éclairante à propos de ce grand désordre ambiant -voir plus bas-).
Décors: 8/10
Un des seuls secteurs de la production qui n’a pas pâti des problèmes évoqués au-dessus. Peter Murton et Peter Lamont nous offrent un petit festival de trouvailles visuelles aussi marquantes les unes que les autres. Il y a cette magnifique (et absurde) idée du Queen Elizabeth couché sur le flanc dans la baie de Hong Kong réaménagé par le MI6 nous offre des images assez ébouriffantes, et, bien sûr, le repère de Scaramanga recèle son lot de plans qui font que le film laisse de meilleurs souvenirs visuels que scénaristiques.
Mise en scène: 6/10
Guy Hamilton enchaine son troisième Bond d’affilée et comme le scénariste Mankiewicz commence à proposer un travail sans génie ou réelle inspiration. Loin de ses fulgurances de Goldfinger, le réalisateur clôt ici sa collaboration avec la série sur une note fonctionnelle et sans génie.
Gadgets: 4/10
Difficile de juger cette catégorie ici, puisque si Bond se présente quasiment les mains vides, c’est le méchant qui cette fois propose l’objet iconique du film. Sans que jamais, d’ailleurs, on ne comprenne dans cette histoire précise le réel intérêt de ce pistolet en pièces détachées. C’est d’ailleurs le même personnage qui prend les commandes de l’autre objet atypique du film: la voiture volante. Notons d’ailleurs que ce concept existait réellement mais son créateur ayant perdu la vie peu de temps avant le tournage, il fut décidé d’utiliser une maquette pour les plans en vol.
Interprétation: 6/10
Du côté de Roger Moore, le principal enjeu du film est d’enfin pouvoir camper un espion dans lequel il se montre à l’aise et en accord avec sa personnalité. Comme on va le voir, le résultat n’est pas à la hauteur de ses attentes, et il faudra patienter un film de plus pour que la fusion entre le personnage et l’acteur opère. Autour de lui, Christopher Lee et Soon-Tek Oh s’amusent, Britt Ekland et Hervé Villechaize cabotinent et Maud Adams livre une prestation presque frustrante, mais qui lui ouvrira les portes d’une deuxième apparition.
Sans oublier un Clifton James en roue libre et gouleyant.
JAMES BOND ROUTINE:
- Drague: Sans surprise, James emballe les deux donzelles du film, Mary Goodnight et Andrea Anders. Notons qu'il aurait également pu faire trempette avec une Chew Mee qui n'attendait que ça. Heureusement, James ne cherchait à se mettre torse-poil que pour montrer son faux troisième téton à Hai Fat (dieu que cette fin de phrase est curieuse).
- Plus loin que le bisou ? Avec les deux suédoises, même si miss Goodnight semble à un moment faire de la résistance. Notons également que la façon dont Bond profite de son avantage avec Anders est assez pathétique (en gros, elle se vend contre protection, et lui utilise l'argument de la pile -le McGuffin du film- pour en profiter. Berk)
- Bravoure: Se rendre chez le méchant tout seul ? Mais au fond, c'est ce qu'il fait à chaque fois. Donc non.
- Collègues présents: Bill Fairbanks, célèbre 002, a été tué deux ans auparavant. Notons le détail amusant que personne alors ne s'était vraiment donné la peine d'en savoir plus, puisque c'est seulement enfin au cours de cette mission, et pour des raisons presque personnelles, que 007 remonte jusqu'à Scaramanga.
- Scène de Casino ? Oui, dans un Casino atypique, à Macao !
- My name is Bond, James Bond: Deux fois, ce qui est une première ! D'abord dans la loge de la belly-danseuse à Beyrouth, et ensuite avec Lazar à Macao.
- Shaken, not stirred: Pas plus que la première fois. Roger n'a pas encore osé renouer avec le Vodka-Martini.
- Séquence Q: Pas réellement, et pourtant il apparait trois fois. Dans le QG déporté du MI6 du Queen Elizabeth, puis lors de l'enquête de Bond sur l'origine de la balle. Et enfin quand 007 se fait remonter les bretelles après avoir perdu Scaramanga. Mais jamais sans que ce soit intéressant ou caractéristique. Bref, un peu du gâchis.
- Changement de personnel au MI6: Non. Décidément, l'équipe la plus stable de l'histoire de la franchise.
- Comment le méchant se rate pour éliminer Bond: Comme d'habitude, un nombre incalculable de fois. D'abord en tirant sur le scientifique à côté de lui. Mais on apprend qu'il n'était pas la cible (alors que la statue de cire de la séquence pré-générique nous avait indiqué que Bond était bien l'ennemi intime de Scaramanga). Ensuite en empêchant Nick Nick de le transpercer (puis en l'envoyant dans une école d'arts martiaux, quelle drôle d'idée…). Enfin en tirant sur le bouchon de champagne à la place de sa cible lors de l'arrivée de Bond sur son île. Sans oublier le repas, où il le tient en joue. Tout ceci au nom du sport…. Tsss…
- Le même méchant tue-t-il un de ses sidekicks ? Techniquement, ce n’est pas le cas, puisque Scaramanga tue celui qui était jusque-là son employeur. Néanmoins, il tue quand même un de ses alliés du côté du mal.
- Nombre d'ennemis tués au cours du film: Un seul (Scaramanga) et c'est le record (bas) sans doute définitif de tous les James Bond !
- Punchline drolatique après avoir éliminé un adversaire ? "Il digère son coup de grâce". (mouais… bof)
- Un millésime demandé ? Il n'en demande expressément aucun, mais nous avons droit à un Phuyuck 74, et un Dom Pérignon 64 (même si, bien sûr, il aurait préfèré le 62).
- Compte à rebours ? Non.
- Véhicules pilotés: Une barque motorisée, un AMC Hornet et un hydravion.
- Pays visités: Liban, Thaïlande et Chine (Macao et Hong Kong)
- Lieu du duel final: La "house of fun" de Francisco Scaramanga et la jonque du même homme.
- Final à deux dans une embarcation perdue en mer ? Oui, la jonque de Scaramanga dont M connait soudain mystérieusement le numéro pour embêter notre héros !
PRÉ-PRODUCTION
United Artist's veut enchaîner le plus vite possible après le succès un peu inattendu de Vivre et laisser mourir et enfoncer le clou Moore. Cette précipitation, alliée à une relation Saltzman-Broccoli qui va sérieusement se distendre, va entraîner un certain nombre de décisions malencontreuses qui expliquent en grande partie l'aspect un peu incohérent du film qui sera finalement proposé sur les écrans.
L'homme au pistolet d'or est le tout dernier roman de Fleming, publié à titre posthume. L'auteur lui-même évoquait avant sa mort inattendue une forme de sécheresse dans l'inspiration, et la possibilité d'arrêter l’écriture des aventures de Bond.
Aucune des différentes versions du script ne reprend l'idée de départ du roman, à savoir un Bond retourné par les russes après une période de captivité et un lavage de cerveau, qui tente d'assassiner M.
L'idée ne sera reprise que bien plus tard, dans le dernier Pierce Brosnan.
Pour suivre une partie de l'intrigue qui se déroule au Moyen-Orient, Albert R. Broccoli, Guy Hamilton et le scénariste Tom Mankiewicz partent pour le Liban, pour retrouver une ville perdue qui a fasciné le réalisateur après avoir vu un court-métrage d'Albert Lamorisse (le réalisateur du ballon rouge). Mais ils se trompent de localisation et se rendent compte qu'il leur sera impossible de trouver l'endroit rapidement, puisque le réalisateur est mort entretemps (dans un accident d'hélicoptère en, Iran justement).
C'est donc entre autre à cause de cette erreur de direction que tout le chapitre moyen-oriental sera réduit à une scène de night-club en studio. On voit qu'on part sur de bonnes bases.
Les trois hommes, rejoints par Harry Saltzman partent ensuite pour la Thaïlande, puisque la baie de Phang Nga a été repérée, avec ses rochers marins si atypiques, grâce à un article de National Geographic.
Après avoir surfé sur la blaxploitation, on essaie désormais de profiter de la vague des films à succès de Kung-Fu et Karaté.
Une anecdote qui survient à ce moment-là, symbolise parfaitement le manque de cohérence des préparatifs du film. Ils assistent au travail d'éléphants dans la forêt non loin de Phuket. Saltzman, jamais à court d'idées fulgurantes, s'exclame qu'une cavalcade d'éléphants sera parfaite pour le film. Mankiewicz lui rappelle qu'il n'y en a pas de prévue dans sa première mouture du script. Qu'à cela ne tienne ! Il en faudra donc une, et Saltzman commande à son directeur de production 200 chaussons pour éléphants, puisqu'il voit cet accessoire sous les pieds des mammifères qui travaillent, et prévoit 50 proboscidiens pour sa scène.
Quand la commande sera livrée sur le plateau quelques mois plus tard, bien entendu, plus aucune scène d'éléphants n'est programmée, et Broccoli, qui supervise à ce moment-là le tournage sans son associé, n'en a même jamais entendu parler !
Car les deux producteurs s'étaient depuis Vivre et laisser mourir entendus pour répartir les tâches. Saltzman s'était occupé du film précédent, c'est au tour de Broccoli de s'y coller. Pourtant, malgré cet accord, les choses se délitent. Saltzman se sent écarté des réunions et briefings de préparation. Assez rapidement, il écrit une note de service où il fait part de son mécontentement de l'avancée du projet, décrivant un scénario en l'état comme "une construction invraisemblable de mauvais goût et de vulgarité". A la suite de quoi, le bordel libanais prévu dans le script se transforme en boîte de nuit et les danseuses sont un peu rhabillées, même si le plan final s'ouvrira sur un gros plan sans équivoque sur un fessier de danseuse.
Michael G. Wilson prend un congé exceptionnel de son cabinet d'avocat pour tenter d'apaiser les relations entre son beau-père Cubby Broccoli et son associé.
Avant de le remplacer définitivement Harry Saltzman quelques mois, comme on le verra.
Côté scénario, donc, les choses sont dès le début assez compliquées. Quand Tom Mankiewicz avoue être conscient de ne pas donner le meilleur de lui-même, Cubby rappelle Richard Maibaum, scénariste historique des premiers films. Ce qu'il faut savoir, c'est que la réécriture de Maibaum sera finalement elle-même révisée… par Mankiewicz. On comprend dans ces conditions que quelque chose ne trône pas complètement rond.
Les deux actrices suédoises sont castées dans des conditions diamétralement opposées. Maud Adams est stupéfaite par la rapidité de la décision du couple Broccoli (car Dana, la femme de Cubby a toujours participé à cette phase de la pré-production) alors que Britt Ekland n'est choisie qu'après que le producteur n'ait vu sa prestation dans Wicker Man (dans lequel jouait aussi Lee). Mais ce que Cubby ne sait pas, c'est que Britt, enceinte à l'époque, avait été doublée dans ses scènes de nu.
Alors que Clifton James (l'inénarrable Shérif Pepper) est très surpris d'être à nouveau appelé après sa prestation mémorable de Vivre et laisser mourir (au moins aussi étonné que les spectateurs, sans doute), Moore se réjouit de retrouver Christopher Lee, son ancien compagnon de jeu, avec qui il avait partagé sa loge à l'aube des années 50, avec qui il avait aussi joué dans un épisode d'Ivanohé. Ce même Christopher Lee qui n’est autre que le cousin par alliance d'Ian Fleming.
Notons enfin que la conception du fameux pistolet d'or, confiée à la marque de briquet Colibri, ne fonctionnera jamais parfaitement en terme d’emboitement, ce qui obligera à des plans de coupe lorsque Scaramanga doit assembler son joujou létal.
Le plan de tournage prévu est le suivant: 5 semaines à Hong Kong, 2 semaines à Bangkok puis Phuket, et les 6 dernières semaines aux inévitables studios Pinewood. Et comme rien ne se passe jamais tout à fait comme prévu, l'équipe commence directement par la Thaïlande.
TOURNAGE
A peine débarqués sur place, Maud Adams se rend compte de la dimension réelle d’un tournage James Bond: prévenue de la tenue d'une conférence de presse concernant toute l'équipe, elle imagine à peu près tout sauf une salle immense bondée, avide de réponses sur les sujets les plus divers.
Les premiers jours sont les plus délicats. La baie de Phang Nga, avant d'être rebaptisée les « îles James Bond », est un endroit très reculé et pas du tout touristique. Ce qui signifie que pendant qu'une moitié de l'équipe reste à Bangkok, le reste investit un vrai bordel local, dont les travailleuses attitrées sont envoyées en vacances aux frais de la production. Les conditions de conforts sont plus que rustique, l'eau potable, par exemple, n'étant pas disponible à volonté. Ce qui pose quelques problèmes à Christopher Lee, dont le maquillage entier du torse est nécessaire quotidiennement (pour le troisième téton mais aussi pour le côté hâlé: l'acteur est sans doute un peu trop habitué aux teints pâles propres aux caves voutées). La cantine est installée dans la morgue de la région, proche de la maison close. Il n'y pas de téléphone et un fax met à peu près trois jours pour toucher son destinataire.
Un lieu laisse à Moore un de souvenir qui le met en joie à chaque fois qu’il y repense: pénétrant avec Lee dans une grotte à la voute d'abord un peu basse, et dérangeant le repos des chauves-souris qui y avaient élu domicile, il entend son compagnon prononcer, avec la voix de Dracula: "Pas maintenant, Stanislas !"
Le retour de toute la troupe à Bangkok permet de compenser ces quelques jours à l'hébergement vétuste: on investit un hôtel grand luxe avec serviteurs individualisés. Cubby Broccoli, qui a retenu la leçon du tournage des Diamants sont éternels, ne distribue qu'une partie de la paie hebdomadaire de l'équipe, tant que le casino local est à portée de bourse. Grand prince, il compense cette suspension temporaire de samlaire par une distribution généreuse de jetons.
Hervé Villechaize, le virevoltant Nick Nack, possède selon Roger Moore "un appétit féminin insatiable" et drague à peu près tout ce qui bouge, jusqu'aux actrices du film. Maud Adams, victime souvent amusée de ses assauts, doit régulièrement le remettre à sa place.
Comme lors du tournage de la scène de Sumo dans On ne vit que deux fois, la foule dans le stade de boxe thaï est gracieusement invitée, une tombola et un concert gratuit sont organisés pour récompenser la patience des figurants.
De retour à Pinewood, le chef opérateur Ted Moore tombe malade et doit être remplacé par Oswald Morris, à qui on laisse carte blanche en termes de moyens pour parvenir à un résultat proche de ce qu'avait fait son prédécesseur.
Comme lors de certaines scènes en Asie, Roger Moore exprime un certain malaise à propos de la direction que proposent Mankiewicz et Hamilton pour son personnage, peu en rapport avec sa personnalité. La façon dont les deux hommes tentent de redonner de la méchanceté à l'espion ne lui plait pas du tout. Cela est notamment évident au cours de la scène qui l'oppose à Maud Adams, pendant laquelle il doit la faire parler. Une incompatibilité qui sera définitivement abolie avec le film suivant.
Le 23 août 1974, après 98 jours de tournage, le tournage prend fin.
POST-PRODUCTION
Guy Hamilton, qui quitte pour la dernière fois, avec ce quatrième film, le plateau d'un James Bond, propose ce charmant résumé à propos de son travail sur la série: "J'ai toujours été frappé par le fait que les aventures de Bond ressemblent assez à celles de films muets comme The Perils of Pauline (Louis Gasnier, 1914). Il y a de l'humour, de l'action, du suspense, de jolies filles, de l'aventure - tout le cinéma de mon enfance."
John Barry n'a que trois semaines pour travailler sur ce film, ce qui explique la relative pauvreté des thèmes qu'il laisse à la postérité. Avant que Lulu, gagnante de l'Eurovision 969 ne soit choisie pour interpréter la chanson-titre, Alice Cooper avait été envisagé.
Les bandes-annonces jouent à fond la carte de noël pour promouvoir la sortie de ce 9ème épisode de 007, l'avant-première se tenant le 19 décembre. Les recettes du film atteindront 98 millions de dollars, ce qui est beaucoup moins que le film précédent (mais reste toujours assez énorme d'un point de vue non James-Bondien).
L'année qui suit la sortie du film marque la rupture définitive au sein du couple de producteurs, cet Homme au pistolet d'Or étant le dernier de l'ère Saltzman-Broccoli. Saltzman, qui ne peut plus se satisfaire depuis un moment du seul succès de Bond, s'est éparpillé dans une myriade de projets, dont beaucoup ne sont pas rentables. Son rachat de Technicolor l'endette lourdement, au point que la banque suisse qui l'a accompagné dans cette aventure le pousse à vendre ses parts dans l'entreprise EON production / Danjaq.
Il s'est dit que le cancer de sa femme Jacqueline (le "Jaq" de Danjaq) ait aussi contribué à précipiter la vente, Harry étant extrêmement affecté par cette maladie.
Son associé ayant un droit de véto, il refuse de voir une banque débarquer dans l'affaire, de longs mois de négociations sont nécessaire pour trouver une solution acceptable. Saltzman vend finalement ses parts à United Artists, qui devient copropriétaire et l'associé exclusif de Cubby Broccoli, dans des conditions financières entre les deux parties qui restent secrètes.
Dans tous les cas, une page historique se tourne, et va permettre à de nouveaux chapitres de s'écrire, dans des conditions de productions apaisées et plus largement plus cohérentes. L'espion qui m'aimait en sera le premier manifeste éclatant.
LA CAUSERIE FINALE AU COIN DU FEU D'ONCLE NESS (Un feu sacré, qui continue de l'habiter, alors que les épisodes s'enchainent et que le rythme ne faiblit pas. Et alors que les espionnes russes ou les agents de liaison scandinaves continuent de ne pas se presser dans son lit)
Ce dernier épisode de l'ère Saltzman-Broccoli était donc condamné à la médiocrité. Ses conditions de conceptions, faites de chaos et de confusion ne pouvait pas accoucher d'un résultat plus probant. Au fond, c'est même presque un miracle que le film soit si cohérent. Conçu par des artistes à bout d'inspiration (Hamilton, Mankiewicz), présidé par des producteurs déchirés incapables de travailler ensemble, l'ensemble du projet ne possédait aucune colonne vertébrale propre. Les couches d'écritures se juxtaposant prennent des directions parfois opposées. Successivement sombre et cartoonesque, sérieux et erratique, le film ne sait jamais quel ton adopter.
C'est ainsi qu'un Scaramanga va pouvoir dire à Bond dans la scène de boxe qu'il espère que leurs chemins vont se séparer car il n'a rien à lui reprocher, alors que la scène d'ouverture montre une statue de l'espion en cire sur laquelle le méchant s'entraîne à tirer. C'est aussi parce qu'on ne sait pas vraiment comment intégrer des thèmes dans l'histoire qu'on permet d'enchainer les scènes sans réel soucis de crédibilité : on pose Bond dans une école d'arts martiaux pour permettre quelques images de combat gratuits, pour ensuite mettre en scène sa fuite quand il se jette à travers une fenêtre. L’inspecteur Hip l'attendait pile au bon endroit (avec ses nièces !) pour ensuite oublier de l'embarquer dans sa voiture, histoire d'avoir un prétexte à une course molle en bateaux.
Ce manque de cohérence se retrouve chez Moore, qui ne trouve pas le ton et la distance justes pour incarner son personnage. Deux ou trois moments de violence et de méchanceté, voulus par le scénariste et le réalisateur pour renouer avec une tradition Conneryenne, détonnent complément avec le reste du film, laissant à l'acteur un goût amer. C'est ainsi que le futur ambassadeur de l'Unicef se retrouve à jeter à l'eau un enfant Thaïlandais qui vient de lui sauver la mise. Il se voit également contraint de maltraiter physiquement et moralement une de ses partenaires, avec un manque de naturel qui transpire à l'écran.
Une mise au point avec Broccoli sera donc nécessaire avant le film suivant, ce qui permettra qui fera table rase d'une immense majorité de ces dysfonctionnements de conception. Pour le plus grand bonheur des admirateurs de la série.
Ceci est le quinzième dossier des 27 que comporte la série des Archives James Bond
Un dossier à retrouver avec musique et illustration sur The Geeker Thing