L'Homme aux colts d'or par Alligator
nov 2012:
J'ai comme l'impression que je passe encore une fois à côté du cinéma d'Edward Dmytryk. C'est un cinéaste que je connais très mal et dont je suis en train, très progressivement (trop progressivement?) de tenter d'apprivoiser le cinéma, ses thèmes, ses style, son aire de jeu. Je sens bien qu'il y a là, dans ce film-ci, quelque chose, de la matière mais je ne parviens pas encore à la saisir. Cela reste flou. Cet "homme aux colts d'or" échappe également à cette sensation espérée, celle d'entendre le film.
Cependant, on voit aisément que ce western s'exprime beaucoup plus qu'il n'en a l'air. Je sens bien le sous-texte mais sans arriver à le lire pour autant. Est-il réellement question d'homosexualité latente? Ça m'en a tout l'air. Mais le doute subsiste. A l'époque, la thématique de l'amitié entre hommes et de la fidélité inhérente ne souffrait pas autant que de nos jours de cette ambiguïté et peut-être effectivement que les auteurs (Robert Alan Aurthur au scénario, Oakley Hall au roman d'origine) ne voyaient pas leur histoire sous un angle aussi radicalement sexué? Toujours est-il qu'il est difficile aujourd'hui d'évacuer cet aspect brokebackmountainien du film. La passion que met Tom Morgan (Anthony Quinn) à protéger (jusqu'au meurtre) son ami Clay Blaisedell (Henry Fonda) est assez explicite. S'il ne s'agit d'homosexualité déclarée, au moins la possessivité et une certaine forme de jalousie sont nettement étudiées et scrutées par le scénario. De même la rage passionnelle à laquelle Blaisedell laisse libre cours sur la fin fait immanquablement songer à une déclaration d'amour, par ses actes extrêmes aux conséquences bouleversantes (il y perd sa fonction mais plus encore, sa future femme et sans doute son avenir).
Là où je perds un peu pied, c'est sur tout le reste du film. Sa longueur d'abord : un peu plus de 2 heures qui ne me paraissent pas totalement justifiées. L'enjeu essentiel est d'abord la relation Morgan/Blaisdell.
L'évolution de Johnny Gannon interprété par Richard Widmark est intéressante, certes, parce que troublée, voire inquiétante. De multiples questions émaillent son parcours. Est-il sincère? Quelles sont ses réelles intentions? Rien n'est moins sûr que ce personnage d'une autre ambiguïté, ses regards fuyants, en dessous, ce corps qui dit oui et non dans le même temps n'est pas facile à lire. A ce propos, la prestation de Widmark est remarquable et inhabituelle, peut-être un peu trop fausse parfois, et donc souvent en accord avec l'histoire de son personnage. Reste qu'elle apparait pourtant secondaire au vu de celle des deux autres cow-boys, disons "mal liée" à la leur. C'est un peu comme si on aurait dû avoir deux films bien distincts, que cela n'aurait pas été une mauvaise idée.
D'autre part, le film souffre un peu d'un certain manque d'action, de dynamisme. Les nombreux moments de tension n'aboutissent pas nécessairement sur une explosion concrète de violence, ce qui, pour un western, peut susciter une certaine frustration, un handicap à prendre sérieusement en considération.
En somme, je me retrouve un peu le cul entre deux chaises, pas sûr de ce que j'ai vu, ni totalement sûr d'avoir aimé. Étrange et rare irrésolution qui ne me plait pas beaucoup.