On reconnait bien là le goût des traducteurs pour les titres ronflants de westerns, pour affubler l'un des derniers grands westerns de l'âge d'or, qui s'intitule plus modestement Warlock, et cela même si ce titre français sonne mieux à l'oreille, mais ces colts aux crosses d'or n'apparaissent que dans la dernière scène.
Warlock, c'est le nom de la petite ville de l'Ouest où va se jouer une sorte de huis-clos assez proche de celui de Rio Bravo (petite ville visitée par une bande de cowboys perturbateurs, et "pacifiée" par un régulateur). La tension latente est présente tout au long du film, comme dans Rio Bravo, sauf que là l'intrigue s'échappe de temps en temps au coeur de paysages splendides, et qu'il n'y a pas du tout d'humour. Chez Dmytryk, c'est beaucoup plus sérieux, car au fur et à mesure, l'intrigue se resserre entre 3 hommes : le sheriff, le prévôt et l'ami-protecteur de ce dernier, une sorte de bon, de brute et de truand avant l'heure. 3 hommes incarnés par 3 stars au sommet de leur art, Richard Widmark, Henry Fonda et Anthony Quinn, et où 2 femmes viennent s'immiscer entre ces relations tendues, surtout le personnage de Dorothy Malone, grande dame du western qui a toujours fait preuve d'élégance.
Prévôt contre sheriff, leurs rapports sont ambigus, on ne sait pas très bien qui est le bon, qui est le méchant, les deux étant logiquement du côté de la loi, mais tout les sépare : leur passé comme la façon d'appliquer la loi et l'ordre ; la loi c'est le sheriff Gannon (Widmark), l'ordre c'est Clay Blaisdell le prévôt (Fonda). Le scénario ajoute à ces 2 personnages celui encore plus ambigu de Tom Morgan (Quinn), ami estropié de Blaisdell très utile pour surprendre les tireurs dans le dos.
Ce western psychologique ne comporte donc pas de grandes chevauchées ni de grandes scènes d'action, tout est contenu, et la violence se fait brève et fulgurante, et toujours liée à la situation dramatique, d'où une impression de fausse lenteur, car le réalisateur décortique à l'extrême les caractères et les comportements de ses personnages : le prévôt à la froideur inquiétante ressemble davantage à un tueur à gages qu'à un redresseur de torts, son ami et associé est tourmenté et velléitaire, tandis que le sheriff est trop idéaliste pour accomplir efficacement sa tâche. Malgré ce parti pris, le plaisir n'est pas absent au visionnage de ce western qui reste un grand classique, même si le regard perçu du réalisateur n'est pas celui d'un illustrateur épique de la saga de l'Ouest, c'est ce qui le rattache au domaine du sur-western ; la première fois, ça surprend un peu, il faut le revoir pour bien l'assimiler.
C'est un western complexe, une réflexion sur la lâcheté collective et la morale individuelle, sur la loi et l'ordre ; jusqu'où peut-on aller pour rétablir cet ordre ? et quelle est la frontière entre le meurtre légal et le meurtre gratuit ?