Le sujet du documentaire est fascinant : celui d'un homme qui mène plusieurs vies amoureuses de manière simultanée dans des pays différents faisant croire à ses compagnes, des femmes pourtant instruites, à différentes personnalités construites sur mesure pour elles et différentes vies professionnelles qui demandent pourtant un certain niveau de savoir et d'expertise.
On saisit tout le cynisme de la situation quand on apprend que l'une d'entre elles en France est psychologue et l'autre en Pologne travail justement à trier et identifier des clients afin d'éviter les faussaires pour une entreprise.
J'ai apprécié le rythme du documentaire, le temps accordé aux victimes, qui permet notamment de voir la diversité des profils des femmes qu'il choisit.
Cependant, j'ai trouvé que la réalisatrice Sonia Kronlund avait trop de scrupules à faire ce qu'elle fait, peut-être une trop grande indulgence envers cet homme aux mille visages, et cela se traduit dans le documentaire par une manière de l'aborder qui amènerait presque une forme de sympathie du spectateur pour le menteur.
C'est dommage que lorsqu'elle en a l'occasion, lors de l'interview, après son épuisante course, elle ne profite pas de cette situation de vulnérabilité pour le confronter à ses méfaits. Par ailleurs, il est loin d'être un bon menteur : lors de l'interview à chaque fois qu'il ment il déglutit et arrête de respirer...
C'est intéressant de voir que contrairement à l'arnaqueur de Tinder, cet homme a très peu volé ses maîtresses, son comportement est essentiellement pathologique. On ne sait trop s'il fait ça pour le plaisir pervers de la duperie, ou s'il est animé par un tel fantasme d'amour qu'il est prêt à toutes les inventions pour étancher la soif d'un sentimentalisme dévorant.
Et c'était profondément désolant d'entendre l'une d'entre elles dire qu'elle ne l'avait pas trop mal vécu contrairement à sa consœur de tromperie, car il l'a respectait davantage, on sent que même dans la révélation, certaines cherchent encore à quel rang elles étaient placées dans le système de valeur de Don Juan.
Son art repose essentiellement sur la suggestibilité de ces femmes à un romantisme pré-fabriqué.
En résumé, un documentaire à la fois drôle et navrant qui vaut le coup d'être vu.
( mention spéciale pour le detective privé polonais qui ne sert pas à grand chose et qui est d'une discrétion légendaire.)