L'extravagant Mr Deeds, Mr Smith au sénat, L'homme de la rue, Vous ne l'emporterez pas avec vous, quelques belles trouvailles cinématographiques de Franck Capra.
Des personnages souvent dépassés, prompts à se laisser berner pour mieux se retourner contre ceux qui les oppriment. Malgré les romances de ses histoires et ses envolées hystériques, F.Capra arrive à les dépasser pour ses portraits de l'Amérique contemporaine.
Il est donc souvent question de social, de corruption, de pouvoir, de politique, de démocratie, de don de soi mais surtout de cynisme et de cupidité ambiante. Tout ceci avec humour, légèreté, et ironie.
L'homme de la rue est celui qui reste le plus marquant dans sa peinture pessimiste. Il est étonnant de constater son actualité presque mot pour mot. Les médias et ses ravages, l'appropriation par le politique d'un mouvement populiste, une peinture acide de l'humain et de sa capacité tant à glorifier qu'à rejeter, du besoin de leader pour affirmer ses idées, ou encore de ce besoin de sensationnel et de drames intimes, rappelant à la bassesse des uns et des autres sans distinction.
F.Capra s'amuse aussi avec son clin d'œil au cinéma lui-même, par l'illusion et la manipulation qu'il se plaît à exacerber par le biais de ses personnages et du faux-semblant. On le retrouve aussi par la recherche de l'acteur idéal pour jouer John Doe, le casting, la préparation au rôle...le changement d'approche au vu des événements comme on changerait un script, ou encore de l'imposture, qui permettra pourtant à un homme de se révéler.
Malgré des longueurs ou certains discours appuyés (celui du membre du club visant à ramener John Doe dans la lutte), et d'autres qui tombent à propos (la réunion finale où les politiciens discutent de leur idée géniale, pointe franchement le fascisme et la propension de l'homme à la haine de l'autre), la narration reste rythmée, les décors travaillés, les jeux de lumière entre luminosité et noirceur accompagnent subtilement le déroulé de l'intrigue, et quelques belles scènes empruntent de nostalgie ou de fureur, nous laissent profiter d'une mise en scène de toute beauté. (la dernière scène sur le toit et le dur retour à la réalité est une des plus réussies par son émotion et par le jeu de Barbara Stanwyck des plus inspirées).
Les jeux d'acteurs – et on oublie pas Edward Arnold, qui marque par sa seule présence- avec un Gary Cooper excellent jouant d'expressions multiples, prenant conscience du piège dans lequel il se sera jeté, mais de sa capacité à balayer rapidement son ancienne vie pour profiter des bienfaits de la nouvelle, réussi avec talent à décliner l'évolution du personnage. B.Stanwyck pour l'image d'une femme tout autant vénale que combative pour sa liberté, entre femme soumise aux diktats des hommes et féminisme. Les caractérisations de tous les personnages soulignent l'ambiguïté du cinéaste tout autant que son humanisme et manie subtilement le divertissement à la réflexion.


On peut être sceptique face à son patriotisme exacerbé, ses sursauts de morale, et même ici d'un rappel à la foi avec ce nouveau messie, ses héros solitaires contre le monde entier, ses romances ou ses scènes comiques pas toujours efficaces, mais en le replaçant dans son contexte, il y a de la part de F.Capra une prise de risque à la dénonciation, à une époque où les cinéastes étaient bien souvent tenus par leurs producteurs et par leur volonté à vanter les mérites de l'Amérique plutôt que ses travers.

limma
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 27 févr. 2019

Critique lue 704 fois

23 j'aime

15 commentaires

limma

Écrit par

Critique lue 704 fois

23
15

D'autres avis sur L'Homme de la rue

L'Homme de la rue
pphf
8

The true man show

L’Homme de la rue (Meet John Doe) a toujours fait l’objet d’une controverse, d’un malentendu – sur la manière et l’idéologie de son auteur, naïvement humaniste, humainement naïf, voire simpliste, et...

Par

le 27 oct. 2014

28 j'aime

6

L'Homme de la rue
limma
8

Critique de L'Homme de la rue par limma

L'extravagant Mr Deeds, Mr Smith au sénat, L'homme de la rue, Vous ne l'emporterez pas avec vous, quelques belles trouvailles cinématographiques de Franck Capra. Des personnages souvent dépassés,...

le 27 févr. 2019

23 j'aime

15

L'Homme de la rue
raisin_ver
9

Critique de L'Homme de la rue par raisin_ver

Tout part d'une fausse lettre écrite par une journaliste fraîchement remerciée. De fil en aiguille la machination prend de l'ampleur et le mouvement John Doe se propage. L'Amérique se couvre...

le 17 févr. 2011

23 j'aime

Du même critique

Apocalypto
limma
10

Critique de Apocalypto par limma

Un grand film d'aventure plutôt qu'une étude de la civilisation Maya, Apocalypto traite de l’apocalypse, la fin du monde, celui des Mayas, en l'occurrence. Mel Gibson maîtrise sa mise en scène, le...

le 14 nov. 2016

76 j'aime

21

Captain Fantastic
limma
8

Critique de Captain Fantastic par limma

On se questionne tous sur la meilleure façon de vivre en prenant conscience des travers de la société. et de ce qu'elle a de fallacieux par une normalisation des comportements. C'est sur ce thème que...

le 17 oct. 2016

60 j'aime

10

The Green Knight
limma
8

Critique de The Green Knight par limma

The Green Knight c'est déjà pour Dev Patel l'occasion de prouver son talent pour un rôle tout en nuance à nous faire ressentir ses états d'âmes et ses doutes quant à sa destinée, ne sachant pas très...

le 22 août 2021

59 j'aime

2