Encore une de ces inadéquations entre ce dont le film traite et la méthode ou l'approche utilisée pour le faire, me laissant dans un état de schizophrénie avancée à l'issue du visionnage. Le premier niveau de lecture porte sur une jeune réalisatrice de télévision qui choisit pour sujet de fin d'études une figure nationale stakhanoviste (au sens propre) des années 50, un certain Mateusz Birkut, qui aurait entre autres faits d'armes participé avec 5 hommes à la construction d'un bâtiment de plus de trente mille briques en une seule journée. Un super maçon interprété par Jerzy Radziwilowicz et une super enquêtrice jouée par Krystyna Janda qui reviendront dans l'autre film de "L'Homme de fer", suite étiquetée comme telle que j'avais vue en premier et reprenant les péripéties exactement là où le présent film les avait laissées.
Le second (et évidemment principal) niveau de lecture qui surgit promptement porte sur la notion de mémoire et d'image du passé que le pouvoir cherche à remodeler à sa guise, "L'Homme de marbre" étant produit au creux d'une période historique particulière peu avare en censure. Plus précisément, l'héroïne Agnieszka se rend compte que le maçon héroïque durant la période communiste polonaise, avec tous les métrages de propagande pour en attester, semble avoir disparu subitement des radars et souhaite faire la lumière sur cette disparition. C'est là que le film prend l'allure d'une enquête sur une ascension qui s'est transformée en une disgrâce, la vérité étant difficile d'accès et les recherches s'effectuant contre l'avis de ses encadrants.
On est ainsi baladés d'une époque à l'autre, sans cesse, avec des séquences a priori réellement documentaires insérées de temps en temps, pour aborder de manière très détournée (il fallait passer à travers les mailles de la censure et Andrzej Wajda aura mis de nombreuses années pour faire son film) le contrôle du passé et les ramifications de la censure. Le voyage n'est pas toujours agréable, mais le fond l'est en revanche très clairement.