Jubal est un western psychologique lourd de tension, porté par un très bon jeu d’acteurs. L’intrigue prend place dans un ranch, tenu par le débonnaire mais compétent Shep (Ernest Borgnine). Il est marié à une charmante jeune femme Mae Horgan (Valerie French), et secondé dans son travail par trois ouvriers qui travaillent sur place. Ils sont rejoints un jour par Jubal (Glenn Ford), un homme que Shep trouve blessé et inconscient et à qui il propose de travailler pour lui.

Jubal met en scène des personnages qui sont prisonniers de quelque chose :
- Jubal, est prisonnier de son passé, prisonnier de la malchance qui ne cesse de le poursuivre et qui va prendre ici le visage d’une femme, celle de son patron et ami… Quoiqu’il fasse, malgré son attitude discrète, ses paroles rares, il s’attire les ennuis. On perçoit un homme qui est écrasé par le poids de sa vie.
- Mae : séduisante tentatrice qui rôde autour des jeunes hommes est prisonnière de sa situation, prisonnière de 10000 acres de solitude, que Shep lui avait présentés comme un palais dont elle serait la reine. Elle a quitté le Canada pour le suivre par intérêt et non par amour et depuis elle traîne son amertume, sa frustration. Elle déteste son mari qui l’aime à la folie mais qui est peu raffiné et séduisant. Son visage alterne entre expression de dégoût ou de lassitude et visage radieux ou regard séducteur. Valerie French offre une belle performance dans ce rôle.
- Pinky (Rod Steiger) : l’un des ouvriers du ranch. Il est prisonnier de la haine, il déteste tout le monde, lui inclus. Une prison qui est certainement l’une des plus mortifères qui soit, une prison qui empêche d’être vivant, qui crée la souffrance autour de soi, qui répand la violence. Son visage est durci par cette haine qui le dévore.
- Naomi (Felicia Farr) : une jeune fille blonde autant que Mae est brune. Nomade faisant partie d’une communauté religieuse à la recherche de la terre promise. Elle est prisonnière de ses parents qui décident tout pour elle et prisonnière de cette errance qu’elle voudrait voir cesser.

Parmi les belles scènes de ce film, il y a celle où Jubal rencontrant pour la première fois Naomi, sort de son silence habituel et lui raconte sa vie, déversant sa souffrance. Il révèle ainsi un lourd passé expliquant sa fuite continuelle. Glenn Ford offre ici une excellente performance, il est très convaincant. C’est une scène marquante car elle crée une rupture avec l’attitude réservée du personnage dans le reste du film.

Dans ce ranch et ce milieu fermé un drame va se nouer. Une tragédie que l’on voit se mettre en place et devant laquelle on se sent aussi impuissant que Jubal. La jalousie, la haine, le mensonge peuvent détruire littéralement des vies.
Face à la tempête qu’il a soulevée et à ses conséquences, Pinky répète : « je n’ai rien fait ! » C’est vrai il n’a rien « fait », mais une seule parole empoisonnée bien placée peut faire plus que des actes. Il est toujours impressionnant de constater combien les paroles peuvent tordre la vérité pour en recréer une fictive. Devant le résultat, l’un des ouvriers constate amèrement : « parfois je me dis que c’est insulter le Seigneur que de dire qu’il a créé l’homme ».

J’ai été captivée par ce drame efficace et ses personnages. Un seul regret : la musique trop envahissante comme c’est souvent le cas dans les films de cette époque.

Créée

le 25 août 2022

Critique lue 100 fois

12 j'aime

14 commentaires

abscondita

Écrit par

Critique lue 100 fois

12
14

D'autres avis sur L'Homme de nulle part

L'Homme de nulle part
abscondita
8

« Je fuis la malchance »

Jubal est un western psychologique lourd de tension, porté par un très bon jeu d’acteurs. L’intrigue prend place dans un ranch, tenu par le débonnaire mais compétent Shep (Ernest Borgnine). Il est...

le 25 août 2022

12 j'aime

14

L'Homme de nulle part
Watchsky
8

La Chatte dans un ranch brûlant

L'intrigue de L'Homme de nulle part est assez surprenante pour un western : dans un ranch isolé, une jeune épouse insatisfaite sexuellement tente de séduire l'employé de son mari. Dans son...

le 13 avr. 2023

11 j'aime

3

L'Homme de nulle part
JeanG55
9

L'Homme de nulle part

"L'homme de nulle part" est un western que Delmer Daves a réalisé en 1956 et dont j'ai toujours beaucoup apprécié l'ambiance et les personnages. Le scénario est assez élaboré comme souvent dans les...

le 2 juin 2021

8 j'aime

13

Du même critique

La Leçon de piano
abscondita
3

Histoire d'un chantage sexuel ...

J’ai du mal à comprendre comment ce film peut être si bien noté et a pu recevoir autant de récompenses ! C’est assez rare, mais dans ce cas précis je me trouve décalée par rapport à la majorité...

le 12 janv. 2021

63 j'aime

22

Le Comte de Monte-Cristo
abscondita
9

"Je suis le bras armé de la sourde et aveugle fatalité"

Le Comte de Monte Cristo est une histoire intemporelle et universelle qui traverse les âges sans rien perdre de sa force. Cette histoire d’Alexandre Dumas a déjà été portée plusieurs fois à l'écran...

le 30 juin 2024

52 j'aime

14

Le Dictateur
abscondita
10

Critique de Le Dictateur par abscondita

Chaplin a été très vite conscient du danger représenté par Hitler et l’idéologie nazie. Il a été l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme. Il commence à travailler sur le film dès 1937. Durant...

le 23 avr. 2022

34 j'aime

22