Renoir Made in U.S.A.
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le 6 déc. 2017
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Un vieil homme, dévoré de soleil et épuisé par son labeur et son cœur fragile, meurt dans un champ de coton. Ses dernières paroles s’adresseront à son neveu et à la femme de celui-ci, employés comme lui : « Cultive ta propre terre ». C’est ce souhait anthume qui lancera l’action du troisième long-métrage américain de Jean Renoir, suite à son exil de janvier 1941, rendu possible grâce à l’entremise de Robert Flaherty.
Fidèle à l’injonction du vieil oncle et malgré les mises en garde bienveillantes du patron qui lui confie l’une de ses terres mais regrette de le voir partir, le jeune héros, campé avec vaillance et sensibilité par Zachary Scott, gagne une terre riche mais en friche, non loin d’un fleuve, et installe dans une maison délabrée sa femme (Betty Field, charmante), leurs deux enfants et une aïeule acariâtre (Beulah Bondi). Emporté par l’ardeur du rêve américain qui voudrait que rien ne soit impossible à de beaux et jeunes héros, courageux, travailleurs et honnêtes, Renoir accompagne avec tendresse les efforts déployés pour cette installation. Mais, marqué par le cinéma social d’un John Ford et notamment par son chef d’œuvre de 1940, « Les Raisins de la colère », il expose les nombreux obstacles se dressant sur la route du jeune couple : difficulté à s’approvisionner en eau potable, hostilité du voisinage, dangers de la malnutrition, risques climatiques menaçant cultures et bétail, depuis les pluies torrentielles jusqu’aux crues d’un fleuve...
À l’image, le noir et blanc est d’une belle subtilité et le directeur de la photographie, Lucien Andriot, crée des plans aussi esthétiques qu’expressifs sur la nature, le ciel, la terre, les cultures, l’eau d’un fleuve dans ses divers états. De beaux plans cadrent également le jeune couple, sa tendresse, ses enlacements, son ardeur presque indéfectible... Toutefois, empêchant une adhésion plus complète, on regrettera, comme souvent chez Renoir, un traitement un peu schématique des différents types humains, pour ne pas dire franchement caricatural, comme celui dont fait l’objet la pauvre grand-mère... Et, par-dessus tout, la musique si désagréablement illustrative de Werner Janssen, accompagnant à la manière d’une direction assistée importune les moindres inflexions du scénario.
On préfèrera donc retenir, de ce film d’exil, le témoignage sur une époque de rêves et d’essors brisés, ainsi que la performance d’un joli duo d’acteurs éloignés du star system, mais au jeu d’autant moins stéréotypé et d’autant plus touchant. Sans oublier un scénario adapté d’un roman de George Sessions Perry, « Hold Autumn in Your Hand », et coécrit par le réalisateur, Hugo Butler et William Faulkner lui-même...
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le 12 janv. 2020
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