Whale of Fame.
James Whale, son exubérance et malgré ça, son souci du détail. Son amour immodéré pour les seconds rôles truculents (la patronne de la taverne et sa bruyante hystérie), pour les décors qui posent...
Par
le 24 juil. 2013
45 j'aime
7
Le principal enjeu d'une adaptation au cinéma du roman de H. G. Wells est la nécessité de rendre tangible et crédible l'invisibilité du personnage éponyme. Pour arriver à cela, un des atouts du film de James Whale est sans aucun doute l'acteur Claude Rains. A l'époque inconnu du grand public, il se fera ainsi d'abord remarquer par sa voix, exceptionnelle et au timbre si spécial (qui résulte autant d'un énorme travail de l'acteur pour surmonter des troubles de l'élocution de son enfance, que de séquelles de la Guerre).
Mais pour faire "croire à l'incroyable", cette présence, aussi forte soit-elle, ne suffit pas. Ainsi, l'autre atout du film est évidemment la grande qualité de ses effets-spéciaux, qui même aujourd'hui sont bluffants. Les trucages furent réalisés en association avec John Fulton, surnommé « le docteur » au studio Universal. Il fut même la première personne consultée par les producteurs avant d'acquérir les droits d'adaptation du roman, pour savoir si le projet était envisageable. L'effet spécial principal utilisé pour donner l'illusion de l'invisibilité fut la technique du cache animé.
James Whale ne se contente pas de filmer platement ces prouesses techniques, chaque plan est incroyablement inventif pour renforcer toujours plus l'effet de réalisme. Par exemple, à chaque fois que le personnage principal est totalement nu (et n'a donc aucune présence visible à l'écran), Whale s'arrange pour lui faire faire des choses afin de lui donner un surplus de présence (par exemple le faire fumer ou le faire s'asseoir dans une rocking-chair, et la faire s'approcher de l'interlocuteur de l'homme invisible quand ce dernier prend le ton de la confidence).
Le scénario, assez proche du livre, n'est pas en reste, même s'il privilégie le spectaculaire au scientifique. Il n'est ainsi jamais vraiment précis sur les explications rationnelles, réduites à quelques dialogues évoquant « des milliers d'essais, des millers d'échecs », jusqu'à la prise de la drogue. Whale s'amuse même plutôt des questionnements qu'on pourrait avoir sur la faisabilité de cette expérience, avec un dialogue où l'Homme Invisible explique que pendant une heure les aliments qu'il vient de manger restent visibles, qu'il doit rester propre afin de rester invisible, ou encore que de se trouver sous la pluie le ferait « briller comme une bulle ».
Mais loin d'être uniquement explicatives, ces informations ouvrent également sur des « promesses » d'intrigue : le produit utilisé pour rendre invisible, le « monocane », a également le pouvoir de rendre fou à son contact. Dans le livre, il se droguait à la strychnine, alors qu'ici il devient une victime presque innocente de son expérience scientifique. L'homme invisible se montre ainsi vite furieux, violent, et donc dangereux. Ainsi, même quand il n'y a pas grand chose pour entretenir le suspense, Whale parvient toujours à maintenir le spectateur en alerte. Au début du film, par exemple, alors que le mystère entourant le personnage principal est annoncé de toute manière par le titre, et que beaucoup de spectateurs connaissent sûrement déjà l'histoire, il y a pour autant une montée progressive de tension jusqu'à la scène climax de l'enlèvement des bandes, avec des petits détails distillés au fur et à mesure pour aiguiser la curiosité du spectateur : un dialogue entre des amis du personnage évoquant ses expériences, un plan de face extrêmement court suggérant bien plus que ne montrant quelque chose d'étrange dans son visage, ainsi qu'un plan de profil furtif montrant une bouche et un menton invisibles.
Aucun détail n'est donc laissé de côté par Whale, qui a réussi une fois encore à créer un classique du film fantastique, plein de tension et d'humour noir.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Vidéothèque perso, Mes 150 films préférés quand j'avais 10 ans, 1930-1939 : Top Années 30, Une éducation : Top films à montrer à des enfants et National Film Registry
Créée
le 25 févr. 2012
Critique lue 807 fois
14 j'aime
D'autres avis sur L'Homme invisible
James Whale, son exubérance et malgré ça, son souci du détail. Son amour immodéré pour les seconds rôles truculents (la patronne de la taverne et sa bruyante hystérie), pour les décors qui posent...
Par
le 24 juil. 2013
45 j'aime
7
Qui est donc cet inconnu qui débarque dans une auberge de la campagne anglaise sous la neige ? C'est ce que se posent tous ceux qui le voient, intrigué par son chapeau, ses lunettes, ses gants, ses...
le 19 oct. 2014
32 j'aime
8
L'argument du roman de H.G. Wells était un sujet en or pour le cinéma, il était donc tout désigné pour le studio Universal qui s'était spécialisé dans les films fantastiques au début du parlant avec...
Par
le 26 août 2018
29 j'aime
12
Du même critique
Si Dragon Ball fut une œuvre phare de mon enfance, au même titre que Les Aventures de Tintin par exemple, c'est avant tout parce que : - c'est bourré d'humour, et que c'est important l'humour pour...
Par
le 17 mai 2022
74 j'aime
17
Le film le plus juste et le plus beau qu'il m'ait été donné de voir sur l'amour, offrant à Jim Carrey et Kate Winslet deux de leurs plus beaux rôles. Jim Carrey notamment, étonnamment sobre, limite...
Par
le 24 avr. 2011
58 j'aime
17
Comme toujours avec Tarkovski, on a droit à des plans beaux comme des tableaux de maître, à des phrases poético-ésotériques, à beaucoup de tension... et d'incompréhension. En fait, tous ces éléments...
Par
le 28 nov. 2012
56 j'aime
3