L'Homme-léopard par Maqroll
Après La Féline et Vaudou, Jacques Tourneur achève son cycle « horreur », encore appelé « trilogie de la peur », avec ce curieux film rapportant une série de meurtres de femmes attribués à un léopard apprivoisé subitement redevenu sauvage après une bien maladroite tentative promotionnelle d’une artiste de music-hall. Ici, point n’est besoin de faire appel au surnaturel comme dans les deux films précédents pour susciter l’angoisse. Une fois de plus, Tourneur se montre extrêmement habile pour restituer l’atmosphère d’une communauté en proie à un danger inattendu. Autre qualité constante, sa direction d’acteurs est remarquable, aucun ne se dégageant ici en particulier si ce n’est peut-être James Bell, déjà présent dans Vaudou sur un rôle au départ similaire mais qui va prendre au cours de l’intrigue une importance accrue. Le scénario ménage habilement le suspense et procède par moments successifs qui viennent ajouter à l’étrangeté et à l’originalité de cette petite perle, à la durée toujours aussi courte (à peine plus d’une heure). La mise en scène - comme à l’accoutumée faite de clairs obscurs superbement maîtrisés - est parfaite pour rendre compte de l’angoisse qui monte progressivement à chaque scène de meurtre. Comme toujours, rien n’est montré et tout est suggéré, ce qui, on le sait, est la meilleure manière de produire réellement de la peur. Tourneur referme en beauté cette parenthèse explicite de son œuvre.