Pas d'homme léopard suggéré par le titre mais plutôt un homme qui veut faire un coup de pub avec un léopard et le laisse échapper dans la nuit noire d'où surgissent bientôt des meurtres qui affolent toute la petite ville au gré des racontars, des superstitions et autres légendes urbaines. Une histoire très proche de "La féline" quelque part mais aussi totalement différente puisqu'il n'est pas question ici de fantastique.
Je commence à bien prendre goût à Jacques Tourneur, à mieux saisir le trip. Il me reste "I walked with a zombie" pour terminer sa trilogie de la peur et je serais prêt à monter "La féline" d'1 point... Il faut dire que ce n'est pas du super accessible dans le sens pas la grosse claque instantanée moderne. La mise en scène, la mise en ambiance et la suggestion des thèmes sont plus importants que l'histoire en elle-même. La tension est là mais le scénario global se goupille assez simplement avec un air de déjà-vu involontaire aujourd'hui. Ça m'a fait le même coup avec "La féline", un goût de déception à cause de l'histoire globale un peu faible vue de notre époque spécialiste des scénarios emberlificotés avec 120 twists pour faire passer le mystère. Ici non, le mystère est simple, mais épais, pesant. Même coup avec "La griffe du passé" pour l'histoire involontairement prévisible, mais là j'avais déjà été complètement conquis par le talent du réalisateur.
Ici aussi, j'ai bien craqué. Parce que Jacques Tourneur met encore une fois en place un cadre et une ambiance unique par sa mise en scène. Ses personnages sont magnifiquement présentés dans leur quotidien par une sorte de mouvement global de la caméra. La danseuse espagnole marche dans la rue, la caméra s'arrête sur une fenêtre devant laquelle elle passe et l'on découvre une jeune fille à l'intérieur qui va être le personnage suivant auquel on va s'intéresser, et ça continue jusqu'à revenir sur nos deux personnages principaux le plus naturellement du monde. Pas d'anicroche, c'est fluide en diable telle une ronde du frisson.
Et puis, cette fameuse maîtrise de la suggestion éclabousse le tout, comme la superbe scène où la jeune fille fait face à un mur de ténèbres qu'elle n'ose franchir, superbe avec rien. On retrouve les rouages qui font de "La maison du diable" un chef-d'oeuvre d'angoisse à l'ancienne, sauf que Tourneur, c'est 20 ans plus tôt. Une chape brumeuse ausculte la peur par le spectre de madame et monsieur tout le monde. Ici, l'histoire d'un léopard tueur en liberté qui n'est peut-être pas un léopard finalement.
Donc, c'est pas du "ouaaah ça déchire" mais plutôt du "mmmh c'est goûtu".