Après une ouverture mêlant une chanteuse se trémoussant dans un bar dont les paroles évoquent la dépose ‘d’une plainte de cœur au conseil des travailleurs’. Les paroles seront reprises par les hommes émoustillés d’alcool et du déhanché de la femme, comme ‘comité de secours du sexe’. Une sauvagerie animale montera très vite crescendo dans ce tripot . Le hors champ de l’agression accentuera cette violence, qui se poursuivra avec l’errance glauque du supposé meurtrier, laquelle reviendra comme une implacable ponctuation. S’ouvre ainsi ce 1er long métrage de Makavejev Dusan (cinéaste et psychologue de formation, d’origine Yougoslave), dont l’intrigue sera autant envoutante qu’arythmique.
Un montage au cordeau fait défiler le monde brutal et sans concession de la métallurgie, au fin fond d’une Serbie des années 50. Fait alterner images d’archives, et une certaine désinvolture millimétriquement désenchantée.
Eparpillant ainsi quelques tours d’hypnose collective (rappelons que le cinéaste a étudié la psychologie), saynètes burlesques çà et là, d’ouvriers jouant entre ciel et grues déployées, mais aussi une idylle pudibonde autant qu’improbable entre logeuse affriolante et un ingénieur de passage plus très jeune. Son faciès apathique et ‘marcel’ défraichi, dont le muscle saillant rappelle le documentaire du même auteur (‘innocence sans protection’), éblouira un temps sa mutine partenaire jusqu'à l'altercation avec père et mère...
Les gros plans sur l’étreinte, les visages, et corps déliés faisant écho à l’enfer des machines et de la fonderie, sans une issue autre qu’une terrible pesanteur…
La photographie format noire et blanc qu’elle soit de très près ou sur fond de cette brume épaisse et torve de l’usine, adopte un esthétisme travaillé qui souligne le conflit entre l’homme happé par le destin collectiviste aliénant et l’alcôve des tendres ébats sans lendemain, renvoyé tout autant à une même solitude oppressante.
C’est ainsi que Makavejev par ce film datant de 1965, probablement connu des passionnés de ce cinéma Yougoslave expérimental de cette époque, est à découvrir ou (re)découvrir, tant l’intemporalité reste entière.
Merci à mon ciné indé préféré (l’Eldo) de nous avoir fait partager ce temps suspendu…

Goguengris
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le 13 févr. 2022

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