Les jambes de femmes sont des compas qui arpentent
le globe terrestre en tous sens,
lui donnant son équilibre et son harmonie.
C'est par ses mots que Bertrand résume sa passion pour les femmes, et c'est à son enterrement qu'on va d'abord le découvrir, avant que François Truffaut ne retrace toute sa vie, bien souvent à travers le regard des personnages féminins qui vont marquer son existence.
L'Homme qui aimait les femmes est un film très personnel de Truffaut, tant l'auteur y met un peu de lui ou de ses proches dans la description du protagoniste. Derrière ce titre racoleur se cachent surtout des traumatismes, liés à la mère d'abord puis à la première femme qui le quitte, et l'auteur construit son récit autour de ça, un complexe d'Oedipe non résolu ainsi qu'un enfant qui ne deviendra jamais vraiment un adulte et multipliera les rencontres sans lendemain. Il met en place une atmosphère prenante, pouvant osciller entre lyrique et morbide, mais toujours mélancolique et particulière.
C'est là toute la complexité de ce personnage, il n'est pas un Casanova, ce n'est pas le pouvoir qui l'attire, mais juste l'amour (enfin, l'idée de l'amour) pour les femmes de manière générale, elles sont uniques et il attache de l'importance à chacune d'elles. Sensible et subtil, Truffaut mêle drame et légèreté, conquêtes et traumatismes (dont il faudra faire le deuil) et rend attachant ce personnage et ses déambulations, pouvant parfois aller loin pour rencontrer une femme qu'il a juste vue ou entendue, poussant encore plus son obsession.
Le cinéaste se montre adroit dans la construction du récit, notamment lorsque c'est Bertrand lui-même qui évoque sa propre histoire, et il crée des liens et une alchimie dans toutes ces scènes de vies. L'Homme qui aimait les femmes c'est aussi, voire surtout, un immense Charles Denner, magnétique et profond à la fois, donnant une certaine noblesse à ses obsessions et dont le physique peu commun colle à merveille avec ce personnage, tandis qu'il est aussi très bien entouré par des comédiennes taillées sur mesure.
En mettant en scène L'Homme qui aimait les Femmes, François Truffaut dirige un immense Charles Denner et signe une oeuvre particulière, mélancolique et touchante, sublimant l'idée de l'amour ainsi que les liens avec les traumatismes, et comment ceux-ci influent toute une vie.