dec 2010:

Ma mémoire me joue des tours. J'ai découvert Alfred Hitchcock au cinéma lors des re-programmations qui eurent lieu dans les années 80. Mais je ne me souviens plus si j'ai vu "Fenêtre sur cour" ou cet "Homme qui en savait trop" en premier. Ils se confondent dans mes souvenirs. A la simple différence que "Rear window" est bien meilleur.

Il n'empêche : j'aime beaucoup cet "homme qui en savait trop". Il contient deux ou trois scènes magnifiques qui à elles seules sont des petits bijoux prouvant le génie de ce cinéaste.

La mort de Daniel Gélin, ce faux ralenti, le découpage, l'intensité dramatique sidérante, cette séquence nous fait entrer dans le spectacle de l'angoisse.

Jouant sur les nerfs de James Stewart et donc du spectateur, la scène à l'approche de l'atelier d'Ambrose Chappell dans les rues vides où le pas d'un homme se fait lourd de menaces, puis dans l'étroite ruelle qui mène chez le taxidermiste, avec ce léger effet stroboscopique saisissant, est une petite merveille où Hitchcock excelle à susciter l'émotion sans mot dire, en quelques plans d'une pureté évidente. Un découpage sec, d'une grande efficacité.

La descente des escaliers qui rappelle celle de "Notorious" est précédée d'un subtil assemblage de plans très courts qui "montent" en écho, ce lien infime mais concret par ces espaces vides où le chant de Doris Day rebondit pour parvenir aux oreilles de son fils. Quelques secondes tout au plus et la connexion si difficile à nouer cinématographiquement est réalisée, visuellement impeccable. Comme une évidence. Comme par magie. C'est si facile, cela coule de source. Pourtant, quel travail d'écriture! Parfaite illustration de ce que seul le cinéma est capable d'exprimer, du langage et du montage de l'image.

Et que dire de la pièce maitresse, l'attentat à l'Albert Hall dont Doris Day est le témoin impuissant? Là plus encore le découpage des plans, associé à la partition orchestrée par Bernard Herrmann lui même est un chef-d'œuvre, une de ces scènes qui marquent le cinéma, un crescendo de tensions qui ne se libèrent que dans le coup des cymbales et le hurlement de Doris Day. Il n'est pas uniquement question de montage plus ou moins serré mais dans la diversité des cadres, surtout les idées de mise en scène, ce canon qui apparait doucement derrière le rideau, ce stupéfiant plan où, dans la pénombre, le visage du tueur fait le prolongement de ce bras armé, et les pleurs, l'affolement de Doris Day ne sachant que faire, ces portes qu'ouvre James Stewart à la volée, ces discussions vaines auxquelles on assiste mais on ne peut prendre part car muettes, un chef d'œuvre qu'j'vous dis! L'imagination visuelle de m'sieur Hitchcock continue de m'épater.

Chez les comédiens, je sur-adore comment le style un peu maladroit, fort et fragile à la fois, tout en ambiguïté, plein de courage, avec ces limites qu'un grand corps dégingandé imposent à James Stewart, se marie parfaitement à la cinématographie d'Hitchcock. Sans doute avec Cary Grant, James Stewart est l'acteur hitchcockien par excellence. Ce n'est pas par hasard que ces deux grands dadais peuvent s'enorgueillir de collecter 4 grands films à leur actif respectif.

Ma connaissance de Doris Day est beaucoup plus parcellaire pour ne pas dire erratique. J'aime bien ce qu'elle fait ici. J'imagine que son physique à la fois élégant et simple en fait une bonne incarnation de la mère américaine des années 50. Elle n'a pas la grâce de Kelly mais sur ce rôle là on ne le lui demandait pas. Ce qu'elle a à faire, elle le fait bien. Son petit duo avec le gamin "Que sera, sera" est très mignon. Ma femme lui trouvait un air artificiel, commercial, quasi-obligatoire pour les charts mais bien entendu, il prend tout son sens sur la dernière partie.

Jamais cet "Homme qui en savait trop" n'a constitué le sommet de mon panthéon hitchcockien mais a, pour ses quelques scènes grandioses, une place incontournable.
Alligator
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le 15 avr. 2013

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Alligator

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