Avant de mourir assassiné, un espion français prédit un attentat, à Londres, à un père de Famille en vacances rencontré la veille. Ce dernier s'apprête à prévenir la police, mais on enlève son enfant. Impliqués dans une affaire d'Etat, lui et sa femme décident de mener leur propre enquête....
C'est ce qu'Alfred Hitchcock confie à son scénariste M. Hayes pour la Paramount en 1956, en lui demandant de ne pas visionner sa version du flim de 1934, produite en Angleterre. Si Hitchcock connaît son âge d'or dans les années 50, c'est qu'il vit celui des studios. C'est l'occasion pour lui de moderniser la première version, mais aussi de se plier au code Hays...


En 1956, l'homme qui en savait trop débute à Marrakesh.Hitchcock partage la tête d'affiche avec l'acteur studio, James Stewart. Doris Day, sa femme dans le film, est la chanteuse qui apporte à cette version du film de la douceur, faisant de la femme la mère au foyer par excellence, James Stewart incarnant le "pater familias prêt à tout pour sauver sa famille". En effet, en 1934, la mère interprétée par Edna Best, une actrice encore peu connue, surplombe dès le début du film son mari. Autoritaire et froide, elle manie très bien le fusil, et ne montre ses faiblesses que lorsque son enfant disparait, alors que le personnage de Doris Day sait très bien chanter. Cette dernière est au service du pathos, la première servant l'intrigue et la tension du film. Oui, années cinquante oblige, âge d'or de la vie de famille, du foyer, de la société de consommation et des loisirs, Doris Day ne pouvait pas être une "vraie" blonde à la Hitchcock, en tant que mère de famille..


D'un point de vue technique, l'Homme qui en savait trop de 1956 déploie le hors-champ réduit par le cadre en 1934. En effet, la caméra est mobile en studio, elle s'imisce dans la mise en scène. Le travelling par exemple, est manifeste, notamment dans les déambulations de James Stewart... Les inserts se font aussi plus rares: l'image est riche, complexe, généreuse. Le déplacement dans l'espace remplace l'ellipse narrative, ce qui sert le bon goût du public, le goût de l'action. Le spectateur est invité dans l'espace filmique, il peut se représenter l'espace de manière diffuse, par exemple tout le début du film est placé dans un hors champ Marocain, alors que la version de 1934 propose de brefs plans de descente à ski, cette première version du film se déroulant à la montagne... Maroc, exotisme, spectacle? Cette dernière version est finalement l'aboutissement d'une technique: la fabrication du suspens par le hors champ, l'ouverture aux éventualités du lieu, l'appréhension du hasard, ce qui est moins facile lorsque le cadre focalise sur l'intrigue.


Cette petite étude permet de remarquer l'influence du studio sur la signature d'un auteur. L'Homme qui en savait trop de 1934 étant le manifeste esthétique de Hitchcock: le goût du suspens, de l'enquête, et le froid Anglais.

Camille_H
7
Écrit par

Créée

le 2 mai 2015

Critique lue 1.1K fois

12 j'aime

3 commentaires

Camille_H

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

12
3

D'autres avis sur L'Homme qui en savait trop

L'Homme qui en savait trop
Dimitricycle
4

Thieu le veut

Les désirs de Thieu étant des ordres, voici, brièvement, les raisons qui ont fait que je n'ai pas aimé L'homme qui en savait trop. [N.B : il semblerait que je sois voué à n'écrire que des critiques...

le 30 oct. 2011

40 j'aime

31

L'Homme qui en savait trop
Gand-Alf
7

Coup de cymbales.

Sir Alfred réalise ici le remake de son propre film, "L'homme qui en savait trop", mais cette fois en couleur et aidé par un budget plus conséquent, avec l'incontournable James Stewart, Doris Day et...

le 1 avr. 2013

28 j'aime

L'Homme qui en savait trop
Pravda
7

L'homme qui en savait trop, encore.

Le mieux, avant de regarder L'homme qui en savait trop, est surement de regarder L'homme qui en savait trop. Alors non je ne radote pas, je fais bien sur référence au film de 1934, réalisé déjà par...

le 21 févr. 2013

23 j'aime

1

Du même critique

Dead Man
Camille_H
8

«-William Blake killed the white. - We need a canoe.»

Dead man, c'est un voyage avec un homme mort. Dead man est simple mais déjanté. L'acte est prévisible, et donc plein de rebondissements. Des péripéties retardent le dénouement. Dead man, ce n’est pas...

le 28 sept. 2014

24 j'aime

Le Roi et l'Oiseau
Camille_H
9

De la peinture qui parle.

A cette époque régnait encore le roi Charles V + III = VIII + VIII = XVI du royaume de Takicardie. Ce n'était pas un bon roi. Tout le monde le détestait, ses amis aussi. Nous n'étions pas amis, dit...

le 2 mai 2015

22 j'aime

2

The Lobster
Camille_H
7

Pourquoi tu te méprises.

Véhémence Les solitaires ne peuvent pas vivre en ville. Leur place est avec leurs semblables, les animaux dans la forêt. Ils sont imprévisibles, libres, nuisibles. Il ne s'agit pas de fonder une...

le 22 oct. 2015

20 j'aime

4