L'homme qui porta la démocratique balance.
"L'homme qui tua Liberty Valance" est un mille-feuille.
Mais, et ce qui en fait le génie, un mille-feuille léger, simple, divin.
Et pourtant, que de composants !
Il y a une histoire d'amour complexe (à trois, mais sans rivalité exacerbée ni complaisance doucereuse), il y a des enjeux politiques (le vote, la loi, "les éleveurs contre les simples gens"), il y a des considérations sur le racisme, la place de la presse...
C'est aussi, bien sûr, un western. C'est un jeu d'acteurs fascinant (Edmond O'Brien, prodigieux ! Stewart, comme d'hab), ce sont des plans inoubliables... Et tant de chose encore, mais réunie en une seule histoire, simple et limpide.
Mais c'est surtout l'affrontement de deux conceptions. Celle de Tom Doniphon (John Wayne) et celle de Ransom Stoddard (James Stewart) deux conceptions qui se confrontent et rendent ce film proprement passionnant d'autant que les deux hommes n'étant pas ennemis, on a l'impression que ce sont les deux faces d'une même âme qui communiquent.
Nous assistons au match entre les tenants progressistes du droit, encore un peu utopistes à l'époque de l'histoire décrite et ceux, plus pragmatiques qui sont parfaitement ancrés dans leur temps et acceptent la violence comme parfois nécessaire et terriblement efficace.
Les deux, pourtant, poursuivent le même but.
(ce qui suit ne devrait pas être lu par ceux qui n'ont pas encore vu le film)
- Seule la loi et l'ordre peuvent faire avancer les choses et permettre à chacun de vivre décemment, nous dit Stoddart. Quand il se sert de son arme, c'est finalement un renoncement total à tous ses principes et une terrible défaite.
- oui, mais sans l'intervention de Doniphon, tout cela serait resté vœu pieu et finalement lettre morte.
- oui mais ce n'est qu'une fois débarrassé du poids de ce meurtre non commis que Stoddart peut reprendre son combat et reprendre le chemin qui lui permettra de défendre efficacement ses idées mais aussi la vie des gens simples qu'il aime. S'il avait réellement utilisé la violence (qui semblait inévitable pour de multiples raisons, conséquence entre autre de son courage), rien de ce qui a suivi n'aurait réellement pu avoir lieu.
- oui, mais Doniphon est réel héros du film, l'homme qui sait être là où il faut quand il le faut, discret, s'effaçant avec un tact absolu quand il sent la partie (sentimentale) perdue, exposant sa façon de voir les choses mais ne l'imposant jamais. Un vrai gentleman, au fond, laissant la lumière de la gloire aux autres.
- oui, mais c'est finalement ce même homme qui, poursuivant cette noble philosophie mais usant ponctuellement de violence (comme mettre le feu à sa maison par exemple) qui finira seul, triste et loin de ceux, à part peut-être Pompey, son seul ami. Sa vision du monde est à la fois totalement adaptée mais aussi complètement sclérosée. C'est celle du monde figée.
Cette série de "oui mais" est quasi infinie, et fait de ce film, en plus de toutes les qualités énoncées plus haut, une œuvre d'une richesse vertigineuse.
Et avec tout ça, je n'ai même pas parlé des Lee: Marvin et Van Cleef. C'est vous dire s'il y avait des choses, à dire, sur ce film gigantesque.