Dans la curieuse et éclectique carrière de Coppola, L’homme sans âge est un ovni peu surprenant. On sait que le génie ne recule devant rien, ni les projets modestes, ni les films de genre, ni l’expérimentation la plus débridée.
De ce fait, L’homme sans âge est à rapprocher de Tetro, l’ambition en plus : là où ce dernier s’attache à une fratrie, cet opus veut embrasser bien plus large, de la linguistique à la réincarnation, en passant par l’amour fou et la fuite du temps. Tout cela, reconnaissons-le, fait beaucoup. Ajoutons-y des audaces visuelles (cadrage oblique, caméra à l’envers, filtres bleus électriques très 80’s pour les nuit…) et la coupe est pleine.
On ne sait pas bien où donner de la tête dans ce grand mélange qui se paie en plus le luxe de désactiver le pathos qui devrait faire sa chair. Les comédiens sont étrangement détachés, le montage joue sur les effets de rupture et l’arythmie. Reste cette vaste réflexion dans laquelle Tim Roth se scinde en deux personnes et devise sur les origines du langage, l’amour à l’échelle des d’une vie humaine ou de plusieurs, et l’inhumanité qu’il y aurait à s’affranchir du temps.
La thématique de la modification de la linéarité temporelle a déjà occupé les cinéastes, toujours en lien avec l’amour : c’est le cas de l’enfant immortel d’A.I de Spielberg, Jack, du même Coppola, et bien entendu le Benjamin Button de Fincher. Mais il lui manque ici l’émotion essentielle, comme si tout le film se mettait au diapason de cet homme hypermnésique et incapable de se faire réellement comprendre des autres. La tentation est grande de faire le parallèle avec Coppola, sa stature de génie incontournable de l’histoire du 7ème art et la bulle atemporelle dans laquelle il se meut lentement depuis qu’il n’a plus à rendre de comptes. On adhère ou pas ; et si l’on reconnait clairement la marque d’un cinéaste qui maitrise son moyen d’expression, on aimerait qu’il aille davantage à la rencontre de son spectateur.