Deux ans après "Easy Rider", Peter Fonda réalise son premier film sous la forme d'un western hautement hippie, s'inscrivant dans une veine psychédélique et contemplative du Nouvel Hollywood. Un film de symboles, de fragments, de sensations, avec un trio de personnages Peter Fonda / Warren Oates / Verna Bloom répondant à des codes depuis devenus classiques tout en traçant la route d'un nouveau genre de western. La scène d'introduction donne clairement le ton : une longue séquence sans dialogue au bord d'une rivière, avec beaucoup de surimpressions et de fondus formant un graphisme impressionniste très intrigant, à défaut d'être passionnant — et c'est là une remarque générale à l'égard du film. Symbole fortement annonciateur, aussi, tandis que trois hommes se lavent dans le cours d'eau : le corps d'une femme est pris dans l'hameçon avant d'être relâché (à la faveur de nouveaux fondus), annonçant la suite de manière plutôt directe comme un présage funeste.
Un film très largement décharné, volontairement, dans lequel trois hommes errent dans l'Ouest. Un premier se fera tuer (ou assassiner, on ne le saura pas vraiment) dans un petit village fort peu accueillant, sans déclencher beaucoup d'émotion, sans que cette action ne soit particulièrement marquée. Puis les deux autres, après une courte mais soudaine vengeance, fatigués par la vie itinérante, rentrent au foyer de l'un des deux qu'il a abandonné il y a fort longtemps, 7 ans avant. Peter Fonda décide de rester là, d'abord comme le "hired hand" du titre pour regagner la confiance de sa femme puis comme mari sur le retour, et Warren Oates repartira dans l'exploration, avant de se rappeler à son ami à travers un doigt coupé.
"L'Homme sans frontière" amorce le western crépusculaire, très atypique dans sa forme et dans la mélancolie qu'il traîne, chargé en LSD, avec ode à la nature et à l'amitié pour seuls bagages. Beaucoup de couchers de soleil, un peu trop de liberté dans la forme, flirtant dangereusement avec le maniérisme désuet aujourd'hui. Ces lents fondus enchaînés presque systématiques, ce semi-panthéisme, cette petite musique lancinante (Bruce Langhorne), cette photo automnale signée Vilmos Zsigmond : autant de particularités qui participent à ce croisement étonnant entre l'imagerie classique du western et la composante hippie psychédélique dans un rythme assez lénifiant.